Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a limogé sans explications, jeudi 15 juillet, Melih Bulu, le recteur controversé de la prestigieuse université du Bosphore (Bogazici), à Istanbul, qu’il avait lui même nommé six mois plus tôt à ce poste, suscitant un mouvement de protestation inédit de la part des enseignants et des étudiants.
Melih Bulu, un universitaire falot, connu surtout pour sa loyauté envers le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir depuis 2002), a été démis de ses fonctions par un décret présidentiel publié au beau milieu de la nuit de mercredi à jeudi, deux lignes laconiques qui n’expliquent pas les raisons de ce licenciement.
La décision de démettre le recteur contesté est intervenue après une réunion du Conseil de l’enseignement supérieur (YÖK), qui a évalué ses dernières décisions. Il a également été question des allégations de plagiat concernant sa thèse de doctorat.
Harvard turc
Le revirement du président turc est inexplicable. Il intervient après un mouvement de protestation étudiant particulièrement tenace, organisé sur le campus de cet établissement public prestigieux, considéré comme le Harvard turc, où l’enseignement se fait en anglais et où une bonne partie de l’élite politique et intellectuelle du pays a été formée.
Dès la nomination de M. Bulu en janvier, des centaines d’étudiants s’étaient mobilisés pour réclamer son départ. Déployées à l’intérieur et autour du campus, les forces de police avaient arrêté des centaines de protestataires, allant jusqu’à menotter la grille d’entrée de l’université pour empêcher les jeunes d’y pénétrer. Le président Erdogan avait alors qualifié les manifestants de « terroristes », promettant de faire « tout ce qui est nécessaire » pour stopper le mouvement.
Sourd à ces menaces, une bonne partie du corps professoral a rejoint la contestation. Depuis janvier, les professeurs mécontentés par la nomination du nouveau recteur ont pris l’habitude de se rassembler en silence sous les fenêtres de son bureau, vêtus de leur toge, le dos tourné en signe de protestation. Plus largement, les milieux académiques se sont offusqués du parachutage de ce proche du parti de M. Erdogan, considéré comme une grave atteinte à l’indépendance des universités.
Mettre au pas les milieux intellectuels
Depuis le coup d’Etat raté du 15 juillet 2016, M. Erdogan nomme les recteurs d’université sur décret, sans tenir compte de l’avis de leurs pairs, une mesure perçue comme une volonté de mettre au pas les milieux intellectuels qui lui résistent. Jadis, le conseil d’administration de l’université effectuait une présélection, une liste de candidats était alors soumise au président qui en retenait un. Désormais, le chef de l’Etat nomme qui bon lui semble.
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