« Ici, on ne déforeste pas » : la culture du soja français, qui se veut plus vertueuse que celle de son cousin brésilien, se développe régulièrement depuis quelques années, et espère séduire encore davantage de consommateurs pour se faire une place durable dans les champs de l’Hexagone.
Dans les champs vallonnés du pays de Comminges, en plein coeur du territoire qu’on appelait autrefois la Gascogne, sous des feuilles d’un vert soutenu, de petites fleurs violettes commencent à éclore. De chacune d’elle sortira une gousse contenant trois à quatre graines de soja.
Frédéric Castex, fils et petit-fils d’agriculteur, à la tête de 220 hectares avec son frère, en cultive entre 35 et 45 hectares.
« Ça fait 25 ans qu’on fait du soja, une culture adaptée au territoire, qui a besoin d’eau et de chaleur », explique cet agriculteur.
Un employé tient dans sa main des grains de soja à Revel (Sud de la France), le 12 juillet 2021 (AFP – Fred SCHEIBER)
« Ici, on ne déforeste pas, la culture du soja s’inscrit dans nos rotations et dans le respect de la biodiversité », explique fièrement M. Castex, également membre du réseau Api-Soja, qui sensibilise les agriculteurs à l’intérêt du maintien des insectes pollinisateurs dans leurs exploitations.
Comme d’autres agriculteurs du sud-ouest, principal bassin de production en France avec le Grand-Est, il a été séduit par la capacité de cette culture à capter l’azote de l’air et à le fixer dans le sol pour la culture suivante, limitant la consommation d’intrants.
De fait, « sur les six dernières années, la production de soja en France a augmenté de 50% », selon Anne Moulis, acheteuse pour la filière matières premières du groupe Nutrition et Santé (Gerblé, Céréal), qui fabrique tofu, jus de soja et analogues de viande, notamment en Haute-Garonne.
Mais cette progression semble marquer le pas.
« Aujourd’hui, on est autour de 185.000 hectares. On est sur une sorte de plateau », explique à l’AFP Françoise Labalette, responsable du pôle amont et économie de filière chez terres Univia, interprofession des huiles et protéines végétales.
Pourtant, « on a une demande qui explose réellement pour des produits de soja non OGM, produits localement ».
Mais la rémunération ne suit pas toujours : « les producteurs de graines et les transformateurs doivent faire comprendre à l’aval de la filière que si on veut s’approvisionner sur le marché intérieur, avec des critères meilleurs que l’importation, ça a un coût », explique Mme Labalette, qui prône la mise en place de contrats pluriannuels.
– L’alimentation animale, levier de développement –
Frédéric Castex au milieu de son champ de soja, à Peguilhan (sud de la France) le 12 juillet 2021 (AFP – Fred SCHEIBER)
Car si les cours du soja ont explosé ces derniers mois, à l’international, il faut « trouver le bon équilibre pour que ce soit suffisamment attractif, pas seulement une année mais dans le temps, pour que les producteurs y reviennent régulièrement », selon elle.
Mais si la Sojaxa, association pour la promotion des aliments au soja, ambitionne de « doubler » d’ici dix ans les 100.000 à 150.000 tonnes de soja français consommées par l’industrie alimentaire, le premier levier de développement des cultures est dans l’étable: sur les 500.000 tonnes de soja produit en France, 80% sont destinés à l’alimentation animale, principal moteur de l’importation de soja OGM du Brésil ou des Etats-Unis.
Objectif: réduire la dépendance à ces importations. Quelques usines commencent à sortir de terre à la faveur d’un nouveau plan protéines lancé fin 2020 par le gouvernement pour financer des projets.
Des plants de soja dans le champ de l’agriculteur Frédéric Castex à Peguilhan (Sud de la France), le 12 juillet 2021 (AFP – Fred SCHEIBER)
Les coopératives du sud-ouest Maïsadour et Vivadour se sont ainsi associées pour approvisionner le marché de la nutrition animale en tourteaux de soja sans OGM et 100% local et ont commencé à construire une usine dédiée qui ouvrira ses portes dans les Landes en février 2022.
« On pourra traiter 30.000 tonnes de graines », explique Jean-Louis Zwick, directeur du Pôle Agricole chez Maïsadour, selon qui l’usine « pourrait accueillir une deuxième ligne de production si le besoin s’en faisait sentir ».
Principale condition pour cette progression de la graine française : que le consommateur soit « prêt à payer un peu plus cher ce qui est produit à partir de matières premières locales », renchérit M. Zwick.
Encore faudrait-il pour cela qu’il sache d’où vient ce produit.
« On attend toujours la publication du décret qui oblige l’étiquetage de l’origine des viandes en restauration hors domicile », explique M. Zwick, qui compte sur cette disposition promise par le ministre de l’Agriculture pour valoriser la viande nourrie avec du soja français.
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