Des villages effondrés, des torrents de boue qui emportent tout sur leur passage, des glissements de terrain : le bilan des pluies diluviennes et des inondations qui ont frappé l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ne cesse de s’aggraver, avec près de 130 morts vendredi 16 juillet dans l’après-midi. Jean-Pascal van Ypersele, climatologue à l’université catholique de Louvain et ancien vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), avertit de la multiplication de ce genre d’événements extrêmes sous l’effet du dérèglement climatique.
Comment réagissez-vous à ces inondations ?
Comme nombre de mes collègues, je suis choqué. Et aussi ému, parce que cela se passe très près de chez nous. Des gens ont tout perdu dans certains endroits que je connais, cela me touche beaucoup. Ce sont des événements que nous, climatologues, avions annoncés il y a déjà trente ans, et qui deviennent très concrets. Dès 1990, le premier rapport du GIEC indiquait que l’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique : il y aura plus d’épisodes de pluies extrêmement importantes et plus de sécheresses prononcées.
Il n’empêche que j’ai été surpris par l’ampleur et l’intensité de cet événement. L’évacuation du centre de Liège, c’est très marquant. La dernière fois que l’on a connu des inondations de cette ampleur dans la vallée de la Meuse, c’était en 1926. Il y a pratiquement cent ans.
Le changement climatique est donc responsable de ces pluies diluviennes ?
On n’a pas encore les résultats des études d’attribution, qui définiront la responsabilité du réchauffement climatique, mais à mon sens, on ne peut pas expliquer ce qui se passe en ce moment sans tenir compte du dérèglement du climat. Il y a une combinaison de deux facteurs : d’une part, le réchauffement climatique augmente l’intensité des précipitations. La température plus élevée de l’atmosphère entraîne en moyenne plus de vapeur d’eau dans l’air, et donc plus de pluies.
D’autre part, cette dépression, à l’origine des précipitations, est restée longtemps sur la même région car elle s’est déplacée très lentement. C’est probablement lié au changement climatique, mais sur ce point, il n’y a pas de consensus scientifique. Des travaux montrent que le changement climatique, du fait d’une diminution du contraste thermique entre régions équatoriales et arctiques, entraîne des oscillations de plus grande ampleur du jet-stream [vents forts situés en altitude et qui tournent autour de la Terre]. Or, quand le jet-stream fait des méandres, il entraîne moins rapidement les dépressions d’ouest en est. Elles se déplacent donc plus lentement.
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