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Une série de podcasts veut redonner toute sa force au conte ivoirien

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RFI

Certains enfants s’ennuient ferme et font la sieste sur leur chaise. D’autres s’accordent une récréation, jouent, dansent et crient dans la bibliothèque municipale de la cité balnéaire de Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire. Mais il ne faut que quelques secondes à Rebecca Kompaoré pour ramener dans la pièce un silence de cathédrale. Drapée dans une superbe robe à cape colorée, la conteuse professionnelle se lance, sans micro, dans un récit fantastique qui mêle la petite Anna, Kôtôkôli, l’oiseau bienveillant, et un vilain crocodile, captant l’attention de tous les enfants.

Euphoriques et envoûtés, ils en redemandent. Le maire de cette ville située au sud-est d’Abidjan, Jean-Louis Moulot, s’exécute à son tour et lit une histoire de l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, La Poignée de poussière. Effet garanti sur les parents, cette fois. Installés à l’arrière de la salle, ils sont ravis de ce récit qui enseigne aux plus jeunes la valeur du travail.

« Au-delà de l’aspect ludique, le conte est un outil éducatif et social intergénérationnel inestimable », confie Rebecca Kompaoré. Pour cette comédienne, la joie des familles lors de ce moment partagé est le signe qu’il faut continuer de faire vivre le conte africain. « C’est d’autant plus nécessaire qu’il risque de disparaître », met-elle en garde.

En cause : l’urbanisation et une certaine modernité, qui bousculent les structures familiales et distendent le tissu communautaire. « Traditionnellement, au village, c’est le grand-père, la tantie ou un autre parent qui, dans la cour, transmet les contes aux enfants », explique l’artiste.

« C’est l’essence même de notre culture »

Préserver et diffuser le patrimoine oral ivoirien et plus généralement ouest-africain, c’est l’ambition de l’association Des Livres pour tous (DLPT), à l’origine de l’atelier organisé à Grand-Bassam. Fondée par Marguerite Abouët, l’autrice de la bande dessinée à succès Aya de Yopougon, l’association s’est liée avec le collectif français Making Waves, des créateurs sonores amoureux de la radio. Ensemble, les deux structures ont imaginé et produit « L’Afrique en conte », une série de microfictions radiophoniques en dix épisodes, disponibles depuis le 14 juin sur le site de Radio France internationale (RFI)*.

A l’aide de conteurs professionnels, les équipes française et ivoirienne ont adapté des récits populaires pour les mettre en musique dans un format radiophonique. Dans le catalogue, deux contes viennent de la bibliographie d’Amadou Hampâté Bâ ; les autres ne sont pas signés.

« Il n’y a pas d’auteur reconnu à ces récits, ce sont des histoires qui appartiennent aux communautés », explique Valérie Gobey, documentaliste à DLPT, qui a sillonné les villages et les quartiers durant deux mois à la recherche des contes. Son énergie, elle la tire du dépit qu’elle ressent à devoir lire et relire Les Trois Petits Cochons à de jeunes élèves ivoiriens qui ne connaissent aucun conte national, alors qu’« il y en a tant, c’est l’essence même de notre culture ».

Au-delà de la préservation d’un patrimoine en péril, la numérisation de ces récits oraux est aussi un moyen de les diffuser largement auprès d’un public jeune, plus connecté et enclin à télécharger des podcasts. « Les habitudes de partage et de consommation du conte ont changé, il fallait donc s’adapter », explique le Sénégalais Tidiane Thiang, coréalisateur de « L’Afrique en conte » et membre de Making Waves.

Plurilinguisme, féminisme et écologie

Pour les équipes, la première série de dix histoires n’est qu’un début : l’objectif est d’aller en chercher plus. Un concours national sera lancé l’année prochaine et certains membres de DLPT se rendent d’ores et déjà dans les zones rurales de Côte d’Ivoire pour collecter davantage de récits populaires. Ils les enregistrent grâce à la « radiobox », un genre de studio portable développé par Making Waves.

Aujourd’hui, les contes sont diffusés en français, mais les équipes de « L’Afrique en conte » nourrissent l’ambition de les partager également en langues vernaculaires. « Ce ne serait que justice, car à l’origine ils ont été inventés et narrés dans des langues locales », juge Elvis Tanoh, documentaliste à DLPT. Un vaste chantier, compte tenu compte tenu de l’abondance de dialectes en Afrique de l’Ouest.

La langue n’est pas l’unique défi du programme. « Historiquement, le rôle de la femme n’est pas toujours très reluisant dans les contes, explique Tidiane Thiang. Et comme ceux qu’on produit actuellement vont être écoutés par les adultes de demain, on a le devoir de leur montrer que la femme est au cœur de la société et qu’il n’y a pas de sexe supérieur. » Enfin, l’enjeu de la préservation de la planète est abordé à plusieurs reprises au cours de la série. Une manière, là aussi, de rappeler l’universalité du conte, fût-il ivoirien.

*Les épisodes seront diffusés à l’antenne de RFI avant la fin de l’année et mis à disposition des radios ivoiriennes.

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