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Les militaires soumis au même droit du travail que les autres travailleurs, estime la justice européenne : un revers pour la France

Un militaire français dans l’Adrar des Ifoghas, dans le nord du Mali, en mars 2013. AFP/KENZO TRIBOUILLARD

La décision de la justice européenne était redoutée par Paris, qui était contre et pointait le risque de mettre en péril le modèle français de l’armée. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ainsi estimé, dans un arrêt rendu jeudi 15 juillet, que les militaires des Etats membres étaient assujettis au même droit du travail que n’importe quel travailleur, sauf en opération – au grand dam de la France, dont les forces armées sont censées être « disponibles en tout temps et en tout lieu ».

Saisie par la République slovène à l’issue d’un litige entre un sous-officier et sa hiérarchie au sujet du paiement de tours de garde, la CJUE fait dans cet arrêt un distinguo entre des activités exercées « dans le cadre d’une opération militaire ou au cours de sa préparation immédiate » et d’autres activités plus classiques, qui « ne présentent pas des particularités s’opposant à toute planification du temps de travail » respectueuse de la réglementation européenne.

La directive européenne adoptée en 2003 – et poussée à l’époque par la France – fixe pour les travailleurs des seuils à ne pas dépasser, notamment un repos minimal de 11 heures consécutives par tranche de vingt-quatre heures et une durée hebdomadaire maximale de travail de quarante-huit heures. Selon la Cour, les activités des militaires « liées à des services d’administration, d’entretien, de réparation, de santé, de maintien de l’ordre ou de poursuite des infractions » doivent respecter cette directive.

L’Allemagne, elle, a fait le choix d’appliquer ces règles au sein de ses armées. La France, l’Espagne et la Slovénie étaient contre. Or, « sur l’essentiel, la France n’a pas eu gain de cause », déplore le ministère des armées, qui plaidait la possibilité pour les Etats membres d’excepter intégralement les personnels militaires de l’application de cette directive, que Paris juge incompatible avec son modèle particulier d’armées professionnelles, organisées selon le principe de « disponibilité en tout temps et en tout lieu », qui va à l’encontre d’une catégorisation de leurs activités.

« Les militaires, à tout moment, peuvent basculer dans des fonctions opérationnelles avec un préavis très bref », souligne-t-on au sein du ministère des armées, alors que la France est engagée sur de multiples fronts, que ce soit au Sahel, au Levant, dans l’aire indo-pacifique ou encore sur le territoire national, à travers l’opération antiterroriste « Sentinelle ».

« On ouvre une boîte de Pandore »

Le ministère fait par ailleurs valoir le fait que la disponibilité exigée des militaires français était compensée par un nombre élevé de jours de permission et par un droit à une retraite pleine après dix-sept ans de carrière. Mais ses arguments, pas plus que la détermination affichée par le président, Emmanuel Macron, de préserver le statut particulier des armées françaises, n’ont pas fait mouche auprès de la CJUE.

« Je suis un ardent Européen, mais je crois à la voie européenne lorsque je la comprends, et que je pense qu’elle est bonne pour le destin national. Lorsqu’elle nous conduit à renier ce qui nous défend, ce qui nous protège, une militarité à laquelle nous tenons, nous n’y cédons pas. Nous avons défendu notre statut et nous tiendrons bon jusqu’au bout », assurait mardi M. Macron dans son allocution aux armées, à la veille de la fête nationale.

En février, la ministre des armées, Florence Parly, s’était également dite « farouchement opposée » à un possible changement de statut des forces armées, évoquant un « enjeu essentiel de défense nationale comme de sécurité européenne ». « La France, qui est désormais le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, exerce des responsabilités éminentes en matière de défense. Et ce qui permet d’assurer constamment la sécurité des Français et des Européens, c’est précisément ce principe de disponibilité en tout temps et en tout lieu des militaires », avait-elle argumenté au Sénat.

Alors qu’aucun recours n’est possible contre un arrêt de la CJUE, le ministère des armées confie devoir désormais « vérifier comment cela se décline dans la réglementation française ». « Avec cet arrêt, on ouvre une boîte de Pandore », s’inquiète un officier général, craignant que ne s’ouvre une période de « véritable interrogation pour [le] modèle [français] ».

Le Monde avec AFP

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