Elin L’Estrange insiste : « Surtout, n’oubliez pas d’écrire que ce peut être soigné, à condition de recevoir le bon traitement ! » Le 22 juillet 2011, alors âgée de 23 ans, la jeune Norvégienne se trouvait sur l’île d’Utoya, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Oslo. Pour la première fois, son frère l’accompagnait au camp d’été annuel de la Ligue des jeunes travaillistes (AUF). Ils ont entendu les premiers coups de feu autour de 17 h 20. Déguisé en policier, le terroriste d’extrême droite Anders Behring Breivik arrivait sur l’île, après avoir fait exploser une bombe devant le siège du gouvernement à Oslo. Elin L’Estrange et son frère ont couru à travers bois, puis se sont cachés au bord de l’eau, avant de fuir à la nage.
Tous les deux ont survécu. Soixante-neuf des 564 jeunes qui se trouvaient alors sur l’île ont été tués et une centaine a été blessée. La plupart avaient moins de 20 ans. Huit autres personnes ont péri lors de l’attentat à Oslo.
Pendant des mois, Elin a perdu l’appétit et le sommeil. Des flash-back la ramenaient en permanence sur l’île. Elle était terrifiée à l’idée de ne jamais retrouver une vie à peu près normale : « Je cherchais sur Internet les récits de survivants des attaques du 11-Septembre à New York. Je voulais savoir quand tout ça allait s’arrêter, mais personne ne pouvait me donner un diagnostic », raconte-t-elle.
Un traumatisme de grande ampleur
Il existe bien peu d’études qui suivent les survivants d’attaques terroristes sur la durée. « Ce n’est pas facile de recruter des participants, car ils viennent de vivre une expérience terrible. Et pourtant, c’est très important de pouvoir faire de la recherche pour proposer les bons traitements », explique Grete Dyb, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et chercheuse au Centre norvégien d’études sur la violence et le stress traumatique.
Avec son équipe, elle a donc contacté les rescapés de l’attaque d’Utoya et leurs parents, pour un premier entretien, quelques mois après l’attentat. Trois autres interviews ont été réalisées depuis. La dernière a eu lieu huit ans et demi après le 22 juillet. Près de huit survivants sur dix ont accepté d’y participer au moins une fois.
Publiés le 31 mai, les derniers résultats ont choqué Grete Dyb : « Je pensais que 10 % des jeunes auraient encore besoin d’une prise en charge. Je n’aurais jamais imaginé qu’un tiers souffre encore à ce point, aussi longtemps après les faits. » Pour la psychiatre, le niveau d’exposition à la violence – assez similaire à celui de l’attentat au Bataclan – explique l’ampleur du traumatisme : « L’attaque a duré plus d’une heure. Les jeunes étaient coincés sur l’île, ils ne pouvaient pas s’échapper. Certains ont été traqués par le tueur et la plupart ont assisté à des scènes d’une violence extrême. »
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