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« Parole de capitaine qui n’accepte pas que le silence devienne amnésie et que sa génération soit celle du déni »

Tribune. En fait, je ne suis pas capitaine, je l’ai été. De même que j’ai été lieutenant pour apprendre à commander une section et, après le grade de capitaine, j’ai aussi été commandant, le seul grade de l’armée de terre où on ne commande rien et enfin « lieutenant-colonel », ce qui signifie en vieux français « tenant lieu de colonel », le colonel dirigeant à l’origine une colonne.

A l’origine ? Un garçon bien né de la bourgeoise lyonnaise, issu de familles du textile qui se sont rencontrées à la confluence du Rhône et de la Saône, dans la cité des Gaules et des gones. Car je suis aussi un gone, ainsi qu’on nomme les gamins de la Croix-Rousse, où la rébellion est une culture et la croyance, une défiance.

Maristes, lycée du Parc, université d’économie, à 19 ans je rentre à Saint-Cyr où on m’apprend à fermer ma gueule. C’est qu’elle a toujours été grande ma capacité… à dire non, à contredire, pour réfléchir et ne pas obéir. Ne pas obéir, mais alors pourquoi être rentré dans l’armée, tandis que ma famille n’y tenait pas plus que ça ?

Refuser l’habillage de la réalité

Peut-être aussi pour cela, mais plus encore pour explorer ce monde étrange où le risque inclut sa propre vie, et pour des raisons qui n’ont jamais été éclaircies. Je n’ai pas apprécié Saint-Cyr, ce temple du conformisme et de l’obéissance sans intelligence, mais j’ai aimé l’armée pour ces personnalités hors du commun et plus encore pour ces situations inimaginables dans lesquelles elle vous plonge « à votre corps défendant », sans que votre esprit ait eu le temps de le refuser.

Refuser l’habillage de la réalité. En opérations, les gens sont vrais ou plutôt « les hommes sont nus », débarrassés de leurs héritages convenus et de ces usages qui camouflent leur réalité. J’ai aimé cette confrontation à ces événements inattendus et le plus souvent inimaginables, j’ai aimé voir ces hommes (et parfois ces femmes) révéler la puissance de leur caractère et de leur détermination face aux éléments déchaînés de la violence humaine qui prend alors le pas sur toute humanité.

Humanité. J’ai détesté la guerre et ses ravages, j’ai détesté cette violence sans limites sous couvert d’une organisation militaire et d’une volonté d’Etat, – la violence organisée –, mais j’ai aimé me battre et ne jamais accepter de se rendre. J’aurais aimé « ne pas subir », mais j’ai surtout aimé commander plutôt qu’obéir.

La première victime des armes est le débat

J’ai admiré aussi, du Cambodge à la lutte contre le terrorisme en passant par le Rwanda, Sarajevo et Mostar, le courage et le professionnalisme de mes compagnons d’armes, ces hommes (et trop peu de femmes) qui s’engagent jusqu’au sacrifice de leur vie pour une cause qu’ils ne cherchent même pas à décrire.

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