Il est minuit, ce 11 juillet : l’énorme bûcher de palettes dressé à Donegall Pass, dans le sud de Belfast, vient de s’embraser. La foule s’approche dangereusement du brasier, smartphones au poing. Des enfants courent au milieu des tessons jonchant le terrain vague autour du feu de joie, tandis que les adultes, déjà très alcoolisés, entonnent des chants traditionnels. « C’est notre manière à nous de commémorer la victoire du prince d’Orange Guillaume III, le protestant, contre le catholique Jacques II, à la Boyne, en 1690. C’est notre 14-Juillet à nous, un moment de joie et de fierté », explique Black McDonald. L’Ecossais, la soixantaine, est venu spécialement de Glasgow soutenir ses « frères » de la puissante confrérie protestante de l’ordre d’Orange. Ils fêtent le « Twelfth » (le 12 juillet), la grande fête annuelle de la communauté protestante (loyaliste et unioniste), fidèle au Royaume-Uni.
Et les drapeaux irlandais, palestinien et européen qui ont brûlé comme de l’étoupe, était-ce bien nécessaire de les avoir plantés au sommet du bûcher, dans cette province où les relations avec la communauté catholique, partisane de la réunification de l’Irlande, restent électriques, vingt-trois ans après la fin des « Troubles » (guerre civile de trente ans) ? « Les nationalistes, ils font pareil de leur côté ! », évacue Black McDonald.
Des provocations de ce type, il y en a eu d’autres en Irlande du Nord, où se sont embrasés presque 200 feux de joie ces derniers jours : dans le nord de Belfast, à Lisburn au sud ou à Newtownards, à l’ouest de la province. Quant aux bûchers, ils ont battu des records de hauteur. L’un d’eux s’est même en partie effondré dans le nord de Belfast, brûlant grièvement un adolescent.
Feu de joie allumé pour marquer les célébrations du « Twelfth », grande fête de la communauté protestante, le 11 juillet 2021. JASON CAIRNDUFF / REUTERS
Les débordements ont néanmoins été évités, au grand soulagement des autorités locales et du gouvernement britannique, qui craignaient un regain de violences après les sept jours d’émeutes qui ont secoué Belfast, en avril. Pour autant, la tension reste très forte, dans une communauté loyaliste-nationaliste-protestante profondément frustrée. Après avoir dominé démographiquement et politiquement l’Irlande du Nord jusqu’au milieu des années 2000, elle se considère désormais comme menacée.
L’entrée en vigueur du Brexit, début 2021, n’a rien arrangé : les loyalistes rejettent brutalement le « protocole nord-irlandais ». Cette partie du traité du divorce est censée éviter le retour d’une frontière physique dans l’île d’Irlande, mais instaure une frontière douanière en mer avec le reste du Royaume-Uni, que les loyalistes considèrent comme une grave atteinte à leur identité britannique.
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