Il y aura un « avant » et un « après » Jeux olympiques de Tokyo qui, différés d’un an en raison de la pandémie, commenceront le 23 juillet. Il est difficile de penser que les Etats qui recevront les prochains JO (à commencer par la Chine pour les Jeux d’hiver en 2022 et la France pour les Jeux d’été en 2024) ne tireront pas de leçons de la nasse dans laquelle s’est enfermé le gouvernement de Yoshihide Suga en voulant maintenir coûte que coûte l’événement au mépris des mises en garde des experts médicaux sur les risques sanitaires et de l’opposition de la majorité des Japonais.
La tenue de ces JO sous état d’urgence, en réponse à la résurgence des contaminations (notamment en raison du variant Delta) et sans spectateurs sur pratiquement tous les sites des compétitions, dépouille l’événement de tout caractère festif et vide de sens l’idéal de communion par le sport dont l’olympisme se veut l’expression.
Au mécontentement des opposants aux Jeux s’ajoute désormais celui des fans japonais qui après avoir obtenu de haute lutte des tickets pour assister aux épreuves s’en trouvent privés. Le gouvernement Suga a réussi le tour de force de susciter une grogne quasi unanime des Japonais, qu’ils soient opposés ou favorables aux Jeux.
Aveuglement
Le CIO a suivi, dans cette affaire, sa propre feuille de route : préserver un modèle garantissant ses ressources et le financement du sport mondial. Les trois quarts de ses revenus dépendent de la manne financière de la retransmission des JO : 90 % de cet argent est reversé aux comités nationaux olympiques et aux fédérations internationales, tous affectés par la pandémie de Covid-19.
Redoutant un désengagement des sponsors, le CIO a fait peu de cas du ressenti des Japonais. Il apparaît comme l’unique bénéficiaire de la tenue de l’événement, dont les préparatifs ont forcé le gouvernement Suga à une fuite en avant, tel « un joueur qui perd et mise encore plus dans l’espoir de se refaire », d’après la formule du politologue Koichi Nakano.
Cet aveuglement peut surprendre de la part d’un pays qui passe pour super-organisé et efficient. Une image qui n’est pas fausse mais doit être pondérée car l’Archipel n’est pas exempt de dérapages, comme les grandes maladies liées à la pollution dans les années 1960-1970, lentes à être reconnues, ou la catastrophe nucléaire de la centrale de Fukushima en 2011, due aux carences de gestion de l’exploitant et de surveillance de l’Etat. L’actuel retard pris par le Japon dans la vaccination, en raison de pesanteurs bureaucratiques, en est un autre exemple.
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