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À Cannes, la dispendieuse industrie du cinéma se met au vert

Désireux de passer au vert et de se débarrasser de son image consumériste, le festival de Cannes inclus cette année une liste de films sur des sujets environnementaux et de nouvelles mesures : tapis rouge en matière recyclée, réduction de ses déchets et de son empreinte carbone…

Pour les cinéphiles purs et durs, le Festival de Cannes est avant tout une épreuve d’endurance, où il faut savoir rester assis – et souvent somnoler – devant trois, quatre, voire cinq films par jour (et parfois écrire à leur sujet). C’est aussi une course effrénée entre les projections et les contrôles de sécurité successifs, où il faut présenter son badge, son pass sanitaire et ses sacs pour des fouilles méticuleuses. Le tout, avant de passer au détecteurs de métaux.

Cette année, le déluge de films est tel que les critiques pourront volontiers s’enivrer à en friser l’overdose, les yeux injectés de sang, tant ils auront fixé le grand écran. Après la crise du Covid-19 l’an dernier, les organisateurs ont fait en sorte que les 11 jours de cette grand-messe du cinéma suffisent à recharger les batteries en cas de nouvelle vague. Pas moins de 24 films sont proposés en sélection officielle et plus de cinq fois plus dans les nombreuses compétitions et projections parallèles – sans doute pour compenser l’absence de soirées.

L’abondance de films peut donner lieu à situations saugrenues – comme le fait de commencer à 8 h du matin un lundi avec l’envoûtant « Babi Yar. Context » de Sergei Loznitsa, consacré à l’un des plus grands massacres de l’Holocauste, et de terminer la journée sur une chaise longue pour la projection de « Fast & Furious 9 » au Cinéma de la plage de Cannes.

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Entre les deux, deux des films les plus attendus de cette édition auront donné, lundi 12 juillet, un sacré coup de fouet à la course à la Palme d’or. L’iconoclaste russe Kirill Serebrennikov a dévoilé en avant-première sa « Fièvre de Petrov », un voyage nocturne et surréaliste dans un paysage urbain post-soviétique, bien que les autorités de Moscou l’aient une nouvelle fois empêché de se rendre physiquement à Cannes. Wes Anderson, quant à lui, a présenté son tant attendu « French Dispatch », une véritable ode à la presse écrite, avec Bill Murray, Tilda Swinton, Timothée Chalamet, Adrian Brody, Willem Dafoe et à peu près tous les autres acteurs que l’on s’attend à voir dans un film de Wes Anderson.

De gauche à droite : Tilda Swinton, Bill Murray et Benicio del Toro présents à Cannes pour le film “The French Dispatch”. © Mehdi Chebil

Avec son défilé de stars, « The French Dispatch » a marqué l’un des temps forts du passage sur tapis rouge, faisant le bonheur des photographes, bien que la Française Léa Seydoux, proclamée « reine » de Cannes cette année avec un total de quatre films présentés, n’ait pas pu se montrer après avoir été testée positive au Covid-19.

Une sélection spéciale « pour le climat »

Nouveauté cette année, lundi soir, Cannes a dévoilé deux des films présentés dans sa fameuse sélection éphémère baptisée « Le cinéma pour le climat », signe des efforts déployés pour placer l’urgence climatique au cœur des préoccupations. Parmi eux, « Invisible Demons » le documentaire choc de Rahul Jain, portrait terrifiant de la pollution aux particules fines qui fait suffoquer New Delhi, ville natale du réalisateur. S’adressant à France 24 avant la première du film, Rahul Jain avait déclaré qu’il était temps que les grands festivals de cinéma abordent ces questions frontalement. « Je suis très heureux que cela se produise enfin. Tout le monde, toute personne en position de pouvoir et tout diffuseur de culture devrait en tenir compte. »

Rahul Jain, figure de l’industrie de Bollywood, détourne les restrictions du Covid-19 en foulant le tapis rouge avec un masque inhabituel. © Mehdi Chebil

Parmi les autres films sélectionnés dans cette catégorie spéciale figurent « I Am So Sorry », du Chinois Zhao Liang, sur les dangers de l’énergie nucléaire, et « Above Water », de l’actrice française Aïssa Maïga, qui traite de l’impact du réchauffement climatique au Niger. « Le cinéma a un impact sur notre imaginaire, sur nos liens sociaux et même parfois sur la politique », confiait la réalisatrice d’origine sénégalaise à France 24 quelques jours auparavant. « Le changement climatique, je pense que c’est un moyen incroyable de se connecter avec le public à l’échelle mondiale. C’est aussi un moyen incroyable de donner une voix aux sans-voix. »

Un tapis rouge plus vert

Parallèlement au nouveau programme, les organisateurs de Cannes ont annoncé un plan d’action environnemental visant à réduire les déchets et à diminuer l’empreinte carbone du festival. Le tout, sans jeter de froid sur les célébrations. Autant dire un exercice d’équilibriste.

Cannes sait que son glamour est tout aussi important que ses films. Il est fortement tributaire des stars venues du monde entier par avion et des festivités qui ont tendance à générer des montagnes de déchets.

Il y a quelques années, une vidéo virale postée par un plongeur local avait montré des fonds marins pollués par les détritus des festivaliers, à quelques centaines de mètres seulement des plages cannoises. Comme l’avait fait remarquer un journaliste après une inspection minutieuse, ces déchets comprenaient des dossiers de presse pour le film d’ouverture du festival en 2014, « Grace de Monaco ».

Crème des fêtes du cinéma, forcé de tenir son rang, Cannes est symbole d’or et de paillettes. Aussi le plus clinquant des festivals est depuis longtemps un danger écologique. Il a d’ailleurs pris du retard sur d’autres rassemblements, comme la Berlinale, qui a récemment adopté des tapis rouges faits de filets de pêche recyclés.

Pour se racheter, Cannes a donc divisé par deux la superficie de son célèbre tapis rouge et l’a fait fabriquer cette année à partir de matériaux recyclés plutôt que du PVC habituel. Il a également interdit les bouteilles en plastique, déployé une flotte de voitures électriques et instauré une contribution de 20 euros pour chaque participant en compensation de son empreinte carbone.

De jeunes militants écologiques à l’honneur

Des mesures similaires devraient être prises par l’ensemble de l’industrie cinématographique, a demandé l’écrivain et cinéaste française Flore Vasseur lors d’une conférence de presse au Palais des festivals dimanche, devant des documentaristes et des militants écologistes réunis pour l’occasion. « Cette industrie n’a pas un bilan extraordinaire sur la question », a-t-elle déclaré. « Nous sommes tous en phase d’apprentissage, nous cherchons tous des solutions ».

Produit par Marion Cotillard, le documentaire de Flore Vasseur « Bigger than Us » suit une adolescente activiste, l’Indonésienne Melati Wijsen, dans un tour du monde à la rencontre d’autres jeunes menant le combat pour le climat et la justice sociale. Flore Vasseur raconte qu’à cette occasion, les jeunes militants rencontrés ont fait pression sur son équipe pour qu’elle prenne des mesures telles que la suppression du plastique sur le plateau.

S’adressant à France 24 la semaine dernière, Melati Wijsen avait exhorté les jeunes de tout pays à « ne pas sous-estimer » leur capacité à se mobiliser et à provoquer des changements significatifs. « Si vous voulez commencer à agir, faites des recherches : découvrez ce qui est local autour de vous, ce qui se passe, ce qui ne se passe pas, et chercher à comprendre où vous pouvez jouer un rôle fort », a-t-elle déclaré. « Rappelez-vous que nous sommes tous dans le même bateau, et que (…) ensemble, nous pouvons créer le changement. »

Les ados militants sont également à l’honneur d’ »Animal » de Cyril Dion, qui met en scène la Britannique Bella Lack, 18 ans, aux côtés de la pionnière de la protection animale Jane Goodall. « Les gens pensent que tous les jeunes sont terrifiés et motivés par la peur (…). En fait, j’ai été motivée par l’espoir et par l’imagination », a déclaré Bella Lack lors de la conférence de presse consacrée au film dimanche. « C’est ce sur quoi l’industrie du cinéma et Cannes peuvent agir – comme un véhicule pour catalyser l’imagination des adultes. »

Cet article a été traduit de l’anglais, cliquez ici pour le lire en version originale.

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