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L’Espagne avance à tout petits pas sur sa réforme des retraites

Indexation des pensions sur l’inflation, chèques pour inciter à travailler plus longtemps: Madrid a présenté de premières mesures pour réformer les retraites des Espagnols, mais tarde à prendre le problème à bras-le-corps pour des raisons électorales, selon les experts interrogés par l’AFP.

Le gouvernement de gauche de Pedro Sánchez a présenté la semaine dernière un avant-projet de loi de réforme du système, réclamé depuis des années à l’Espagne par la Commission européenne.

Mesure phare: la revalorisation annuelle des pensions de retraite en fonction de l’évolution de l’inflation.

« Aucun retraité n’aura plus à se préoccuper de l’évolution de sa pension », résumait la semaine dernière María Jesús Montero, alors porte-parole du gouvernement.

En 2018, le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, confronté à de vastes manifestations de retraités — partie importante de son électorat–, s’était résolu à augmenter temporairement les pensions en lien avec l’inflation, après avoir interdit ce mécanisme dans une réforme votée en 2013.

Pour Rafael Pampillon, économiste de l’école de commerce IE, graver cette mesure dans le marbre est « une énormité (…), ce système n’est pas tenable ».

Avec un déficit de la Sécurité sociale de près de 30 milliards d’euros en 2020, « il faudrait geler les pensions », estime-t-il au contraire.

En parallèle, le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez veut inciter les salariés à repousser leur départ à la retraite.

La réforme de 2013 du gouvernement conservateur prévoyait déjà une augmentation progressive de l’âge minimum de départ à la retraite, qui est actuellement d’environ 65 ans, jusqu’à atteindre 67 ans en 2027.

L’avant-projet de loi prévoit le versement d’un chèque pouvant aller jusqu’à 12.000 euros par année supplémentaire travaillée.

A l’inverse, le montant de la pension sera réduit en cas de départ anticipé.

– Problème aigu –

Mais malgré ces mesures, qui doivent encore être affinées et votées par le Parlement, « il reste beaucoup à faire, (le gouvernement) n’a fait que la partie facile », résume Jordi Fabregat, économiste à l’Esade.

Car la démographie rend le problème particulièrement aigu en Espagne.

« Les jeunes de moins de 25 ans qui entrent sur le marché du travail représentent une population 30% moins nombreuse que les plus de 40 ans », rappelle M. Pampillon.

Le taux de natalité est le plus bas d’Europe après Malte (1,23 enfant par femme, selon les dernières données Eurostat), alors que les Espagnols bénéficient d’une grande longévité, supérieure à 83 ans en moyenne, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En outre, « il n’y a pas en Espagne l’habitude d’épargner pour sa retraite », car la pension y représente 80% du dernier salaire, contre 55% en moyenne en Europe, souligne Jordi Fabregat.

Même si d’autres pays d’Europe du Sud ont le même type de problèmes, « en Espagne les réformes ont été repoussées. Le consensus a été de nier le problème », affirme Javier Díaz Giménez, de l’IESE.

Le « pacte de Tolède », une commission parlementaire comprenant tous les partis politiques créée en 1995 pour dépolitiser la question des retraites et trouver un consensus national, n’a pas suffi.

Le gros morceau sera négocié cet automne, assure le gouvernement. Il s’agit de définir le « facteur de durabilité », en clair prendre en compte l’allongement de l’espérance de vie… en baissant les pensions.

« Les gens vivent plus longtemps, donc ils coûtent plus cher, donc il faut baisser les pensions. C’est le plus difficile, car cela signifie ne pas tenir la promesse faite aux gens qui vont partir à la retraite » après toute une vie à cotiser en espérant une certaine somme, résume M. Díaz Giménez.

La mesure, incluse dans la réforme conservatrice de 2013, n’a jamais été appliquée.

Récemment, le ministre de la Sécurité sociale, José Luis Escriva, a suscité un tollé en évoquant une éventuelle baisse de la pension des baby-boomers, avant de rétropédaler.

Mais « tout est très flou », car à deux ans des prochaines législatives, aucun parti ne veut se risquer à perdre des voix, souligne M. Pampillon.

« La seule manière d’y arriver serait qu’il y ait une pression de l’Union européenne », estime M. Fabregat.

La réforme des retraites fait partie des mesures demandées par Bruxelles en échange des fonds du méga-plan de relance post-pandémie.

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