Expérimentée par cinq régions, l’ouverture à la concurrence des TER poursuit sa route malgré la pandémie de Covid-19, les élus sortants ayant été reconduits lors des élections de juin.
Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Grand-Est, les Hauts-de-France, l’Ile-de-France et les Pays-de-la-Loire ont choisi de lancer des appels d’offres pour l’exploitation d’une partie de leur réseau ferroviaire, où des opérateurs alternatifs -allemand, italien, espagnol et aussi français- pourront défier la SNCF.
Les autres régions oscillent entre attentisme, scepticisme et hostilité, préférant pour l’instant laisser la compagnie publique conduire leur TER. Elles devront néanmoins lancer des appels d’offres à partir de 2023, à l’expiration des conventions qui les lient à la SNCF.
« L’ouverture à la concurrence, c’est un meilleur service pour l’usager au meilleur prix pour le contribuable », estime Renaud Muselier, le président de la région PACA.
C’est vers chez lui que les regards se tournent, puisqu’on devrait connaître en octobre qui gagnera les deux premiers appels d’offres pour la ligne Marseille-Toulon-Nice et les liaisons locales autour de Nice.
Un TER à la gare Saint-Charles, à Marseille le 3 avril 2018 (AFP/Archives – BERTRAND LANGLOIS)
Avec moins de suspense pour le second lot puisque M. Muselier a fait savoir début juin que la SNCF n’avait pas d’adversaire. Et il ne faudra pas trop s’impatienter: le démarrage de l’exploitation n’est pas prévu avant décembre 2024 à Nice et juillet 2025 pour Marseille-Toulon-Nice, le temps d’acheter des trains et de construire des ateliers.
Les premiers « trains de la concurrence » sont attendus fin 2023 dans les Hauts-de-France, entre Paris et Beauvais, autour d’Amiens et autour de Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais); dans le Grand-Est entre Strasbourg, Saint-Dié-des-Vosges et Epinal; et en Ile-de-France avec les trams-trains T4 et T11.
Les Pays-de-la-Loire prévoient l’arrivée d’un nouvel exploitant un an plus tard sur le tram-train Nantes-Châteaubriant et un bouquet de lignes au sud de la Loire, en décembre 2024.
Particularité du Grand-Est, dans le processus: il veut un exploitant unique chargé de conduire les trains et de maintenir la voie. Dans le cas de la ligne Nancy-Contrexéville, actuellement fermée, celui-ci devra même la remettre en état.
– Sac-à-dos social –
Des TER arrivant à la gare de l’Est à Paris, le 20 mars 2019 (AFP/Archives – JOEL SAGET)
Tous les responsables régionaux s’accordent à dire que la perspective de l’ouverture à la concurrence s’est concrètement traduite par une amélioration du service rendu par la SNCF.
David Valence, vice-président chargé des transports du Grand-Est, parle d’ailleurs d’ »expérimentation ».
« Ce sur quoi on teste la concurrence, c’est seulement entre 6 et 7% du réseau » de sa région –qui compte signer avec la SNCF jusqu’en 2032 pour le reste–, précise-t-il.
L’Ile-de-France de Valérie Pécresse, elle, a décidé de remettre méthodiquement en jeu tout son réseau de trains de banlieue et RER d’ici à 2032, parallèlement à la mise en concurrence des lignes exploitées par la RATP qui l’occupera jusqu’en 2039.
La décision est aussi politique que pratique, note Laurent Probst, le directeur général d’Ile-de-France Mobilités: « Comme on a beaucoup de lignes, on préfère planifier l’ensemble. C’est sain d’avoir une vision stratégique, et de donner de la visibilité à tout le monde. »
« La SNCF sera partout » pour défendre ses positions, assure son PDG Jean-Pierre Farandou. « On va se battre sur chaque appel d’offres. » Quitte à s’appuyer parfois sur Keolis, filiale de transports publics qu’il dirigeait précédemment.
Un TER à la gare d’Hazebrouck, dans le Nord, le 20 février 2018 (AFP/Archives – PHILIPPE HUGUEN)
Face à la SNCF, on trouve Arriva (Deutsche Bahn), la RATP alliée ou pas à l’exploitant du tunnel sous la Manche Getlink, Thello (Trenitalia), la Renfe espagnole et le français Transdev, qui milite depuis des années pour l’ouverture à la concurrence du secteur.
Partout, les lots mis en concurrence seront confiés à des filiales de ces groupes, y compris de la SNCF si elle gagne. Et partout, l’organisation du travail devrait être chamboulée, les cheminots étant priés de devenir plus polyvalents. Au nom de l’efficacité et de la performance.
D’où une grogne persistante des syndicats –notamment la CGT et Sud–, d’autant que les conditions de transfert vers ces nouvelles sociétés ne sont pas encore très claires: les négociations patinent au sein de la branche ferroviaire, le gouvernement n’a toujours pas tranché, et le « sac-à-dos social », c’est-à-dire les droits et avantages que le cheminot transféré à un concurrent doit emmener avec lui, n’est pas encore bien rempli.
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