Christine Lagarde aura réussi à prendre par surprise le petit monde des banquiers centraux en annonçant bien plus tôt que prévu les résultats de sa révision stratégique, qui étaient attendus à l’automne. La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) les a présentés lors d’une conférence de presse surprise jeudi 8 juillet. Elle annonce un dépoussiérage technique mais important du fonctionnement de l’institution de Francfort, pilier de la zone euro.
Principale conclusion : la BCE reconnaît explicitement qu’elle est prête à laisser l’inflation dépasser son objectif de 2 % « temporairement » si les prix ont précédemment été inférieurs à ce niveau. « Les 2 % ne sont pas un plafond », souligne Mme Lagarde.
Laisser l’économie surchauffer légèrement est une bonne chose, pour permettre à la reprise de s’enraciner, estime la BCE
Le sujet est au cœur du débat économique actuel. L’inflation en zone euro est actuellement à 2 % et devrait augmenter dans les mois qui viennent. Mais il s’agit d’un effet de sortie de pandémie, alors que la zone euro était brièvement en désinflation à l’automne 2020. Dans ce contexte, laisser l’économie légèrement surchauffer est une bonne chose, pour permettre à la reprise de s’enraciner, estime la BCE. Il s’agit d’éviter les graves erreurs commises par l’institution au début de la crise de la zone euro il y a une décennie, quand les taux d’intérêt avaient été augmentés alors que la reprise était encore très fragile.
Ce nouvel objectif d’inflation permet de mettre fin au compromis biscornu auquel était arrivée la BCE lors de sa dernière révision stratégique en 2003, il y a dix-huit ans. A l’époque, il avait été défini comme « en dessous mais proche de 2 % », ce qui représentait une victoire pour la très orthodoxe Bundesbank allemande qui ne voulait surtout pas laisser filer les prix.
Depuis, chaque président de la BCE a été obligé de se référer à cette phrase alambiquée. Désormais, le nouvel objectif est beaucoup plus simple : 2 %. Surtout, il est « symétrique. » En clair, être au-dessus ou en dessous est « également indésirable », explique Mme Lagarde. Il n’y a plus de biais systématique à rester trop bas. « Ce nouvel objectif marque la mort de la tradition Bundesbank de la BCE », estime Andrew Kenningham, économiste au cabinet d’études Capital Economics.
« Pas une révolution »
Jusqu’où la BCE sera-t-elle prête à aller ? Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale américaine a déjà annoncé un objectif de « symétrie » d’inflation à l’automne 2020. Aujourd’hui, la hausse des prix y atteint 5 % mais la Fed refuse toujours de durcir sa politique monétaire, estimant que le phénomène est temporaire. Dans sa conférence de presse, Mme Lagarde a tenté de se dissocier de cette approche, soulignant que sa stratégie était différente de celle de la Fed et laissant entendre qu’elle serait probablement moins tolérante.
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