Publié le : 08/07/2021 – 16:54
Une première analyse scientifique de la vague de chaleur nord-américaine a permis, mercredi, de confirmer le rôle joué par le réchauffement climatique. Mais les scientifiques ont du mal à comprendre l’amplitude des hausses de température.
On savait que le « dôme de chaleur » qui s’est abattu, fin juin, sur le nord-ouest des États-Unis et une partie de la côte canadienne était extraordinaire… mais peut-être pas à ce point-là. La vague de chaleur dans des villes comme Seattle, Portland ou Vancouver est un événement qui « ne se produit qu’une fois par millénaire », ont affirmé une vingtaine de scientifiques dans une analyse sur le lien entre cette canicule et le réchauffement climatique, publiée mercredi 7 juillet par le réseau World Weather Attribution.
Les températures enregistrées – jusqu’à 49,7 °C en Colombie-Britannique (Canada) ou 46,1 °C à Portland – étaient à ce point au-dessus des normales saisonnières que les chercheurs ont eu du mal à trouver des points de comparaison historiques. Donc « nous avons estimé la probabilité de survenue d’un tel événement extrême sur l’échelle d’un millénaire, mais ça peut tout à fait être encore plus », reconnaît Robert Vautard, directeur de l’Institut Paul-Simon Laplace, spécialisé dans les sciences du climat, qui a participé à l’étude, contacté par France 24.
Comment le thermomètre a-t-il pu monter aussi haut ?
Cette équipe internationale de scientifiques a soumis les hausses de température à une vingtaine de modèles climatiques pour essayer de comprendre la dynamique de cette vague exceptionnelle de chaleur. Résultat : leur analyse permet de confirmer de manière « quasiment certaine » que cet épisode d’intense chaleur est lié au réchauffement climatique favorisé par l’activité humaine. « Ça veut dire qu’on ne voit pas d’autre explication mais qu’il existe une probabilité infime qu’un tel événement extrême se soit produit par hasard sans réchauffement climatique », explique Robert Vautard.
En revanche, leurs machines à modéliser le climat « n’ont pas permis d’expliquer comment le thermomètre a pu monter aussi haut », reconnaît Dim Coumou, spécialiste de l’impact du changement climatique sur les vagues de chaleur à l’université libre d’Amsterdam et coauteur de l’étude du réseau World Weather Attribution, contacté par France 24.
C’est le mystère de cette vague de chaleur : les températures enregistrées dans l’ouest de l’Amérique du Nord ont battu les précédents records de température de cinq à six degrés. « Cette intensité de la vague de chaleur est bien supérieure à la hausse de deux à trois degrés à laquelle on aurait pu s’attendre dans ce contexte climatique », explique Robert Vautard.
Le « dôme de chaleur » du Nord-Ouest américain – c’est-à-dire le phénomène anticyclonique à l’origine de l’explosion des températures – n’est en effet pas beaucoup plus impressionnant que celui qui s’est abattu sur l’Europe lors des vagues de chaleur de 2019. Et à l’époque, le thermomètre n’avait pas enregistré des hausses de température aussi spectaculaires.
« Il est clair que le dôme en lui-même ne suffit pas à expliquer ce qui vient de se produire, et nous devons maintenant chercher à comprendre quels sont les autres facteurs qui ont pesé », résume Dim Coumou.
La faute à pas de chance ou l’entrée en territoire inconnu
Pour l’instant, les scientifiques ont deux hypothèses principales. La première est ce que l’étude scientifique appelle « le gros coup de pas de bol ». En d’autres termes, tous les facteurs possibles qui peuvent faire grimper le thermomètre se sont donnés rendez-vous au même moment, au même endroit.
Il y a eu, d’un côté, la formation du dôme de chaleur dans une région qui a connu très peu d’humidité ces derniers temps. « Les sols étaient très secs, ce qui fait qu’il y a eu très peu d’évaporation d’eau qui permet, généralement, de refroidir un peu l’air lorsque les températures commencent à grimper », précise Dim Coumou. De l’autre, des vents chauds sont descendus des montagnes environnantes, contribuant à rendre l’atmosphère encore plus étouffante.
Mais il y a un autre scénario évoqué par les chercheurs et qui est potentiellement plus inquiétant. La vague de chaleur que vient de connaître le nord-ouest de l’Amérique pourrait indiquer « qu’on a peut-être franchi un seuil dans l’effet que le réchauffement climatique a sur les événements extrêmes », souligne Robert Vautard.
Ce qui vient de se produire serait alors une sorte d’entrée en territoire inconnu où « le réchauffement climatique produit des vagues de chaleur plus intenses que ce que nous pensions », note Dim Coumou. Pour lui, il est urgent d’explorer cette hypothèse afin de savoir s’il faut revoir certains aspects des modèles climatiques.
C’est d’autant plus pressant que la vague de chaleur nord-américaine prouve qu’il « est devenu tout à fait possible que le thermomètre monte jusqu’à 50 °C dans les régions tempérées », affirme Robert Vautard. Autrement dit, « c’est quelque chose qui peut arriver prochainement en France », assure Dim Coumou.
Et la probabilité d’un tel événement extrême ne fera qu’augmenter si le réchauffement climatique poursuit son petit bonhomme de chemin. Si l’objectif de l’accord sur le climat de Paris de 2015 – maintenir la hausse des températures sous le seuil de 2 °C de plus d’ici à 2100 – n’est pas tenu, des vagues de chaleur d’une intensité similaire à celle de juin 2021 « pourront se produire tous les cinq à dix ans », écrivent les auteurs de l’étude.
Il devient donc absolument nécessaire, pour Robert Vautard, que les pays de l’hémisphère Nord se préparent à cette perspective car « on n’est pas du tout sûrs qu’on résisterait à des températures de 45 °C ou plus en région parisienne ».
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