J’ai grandi à Inuvik, dans les territoires du Nord-Ouest, dans l’Arctique canadien. Enfant, il m’arrivait de passer à côté de Grollier Hall, un des pensionnats autochtones les plus connus du pays pour ses violences sexuelles. Mais mes parents me disaient de faire un détour quand je rentrais de l’école. Ce pensionnat, dirigé par la communauté religieuse des oblats, faisait partie de tout un réseau d’établissements pratiquant des politiques génocidaires. Ce réseau d’établissements constituait lui-même un rouage de la machine coloniale.
Parmi les autres pièces de la machine figuraient l’Indian Act, la « loi sur les Indiens » (1876) ; les politiques visant à affamer les populations des plaines de l’Ouest du pays ; et l’internement forcé d’autochtones dans des « sanatoriums indiens » et des institutions psychiatriques. Grollier Hall est l’un des derniers pensionnats canadiens à avoir fermé, en 1996.
Créer « un pays d’hommes blancs »
D’innombrables enfants sont morts dans les pensionnats autochtones. Les familles, les communautés et les Premières Nations savent, depuis longtemps, que certains de nos ancêtres ont disparu ou perdu la vie dans des conditions troubles. Le 27 mai 2021, la Première Nation de Tk’emlups te Secwépemc a annoncé que les restes d’environ 215 enfants avaient été localisés à l’aide d’un géoradar dans l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique. Le 23 juin, la Première Nation de Cowessess, qui vit dans la province de la Saskatchewan, a fait savoir que 751 sépultures anonymes avaient été découvertes dans l’ancien pensionnat de Marieval.
Puis, le 29 juin, la Première Nation de Lower Kootenay, en Colombie-Britannique, a révélé que 182 tombes anonymes avaient été retrouvées sur le site de l’ancien pensionnat de Kootenay – site où s’étend aujourd’hui un golf. Ces annonces ont plongé les Nations autochtones [qui, outre les Premières Nations, comprennent les Inuits et les Métis] dans le deuil et la tristesse. Mais, en un sens, nous pleurons ces morts et la disparition de nos cultures depuis bien plus longtemps.
Les Canadiens se sont dits « choqués » par ces nouvelles. Ces réactions montrent combien la nature génocidaire de l’Etat colonial canadien reste méconnue. Le colonialisme et ses conséquences pour les peuples autochtones du Canada ne constituent pas un « chapitre sombre » de l’histoire du pays ; le colonialisme est le nœud principal d’une histoire qui définit ce pays.
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L’article Crystal Gail Fraser : « Nous ne connaissons manifestement toujours pas toute la vérité sur les pensionnats autochtones » est apparu en premier sur zimo news.