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Campagne de sensibilisation au Covid-19 menée par les mouvements citoyens Filimbi et Lucha à Kinshasa, en mai 2020. SAMIR TOUNSI / AFP
Dans les hôpitaux de Kinshasa, on pousse les murs depuis la fin du mois de mai. « Nous avons une capacité de 27 lits pour les patients Covid-19 et, là, on est à 29 malades. On a dû en mettre quelques-uns dans d’autres services, comme en gynécologie », explique le docteur Rémy Kashala, médecin chef de staff à l’hôpital Monkole. A Saint-Joseph, dans le quartier populaire de Limete, « on a atteint le maximum », soupire le docteur Thierry Mukendi, responsable du centre de traitement Covid-19.
Le coronavirus, qui avait principalement frappé les quartiers aisés de Kinshasa lors des deux premières vagues, touche désormais tous les secteurs de la ville. « On est à 80 % d’occupation dans les structures de santé, et à 100 % au niveau des soins intensifs. C’est du jamais-vu », alerte Jean-Marie Kayembe, responsable de la prise en charge des malades au comité national de la riposte.
Parmi les patients alités à Saint-Joseph, la plupart ont besoin d’une assistance respiratoire. Dans l’un des pavillons, Thierry Samu, 40 ans, reprend doucement des forces, après douze jours sous respirateur. « J’ai vraiment été surpris quand le test est revenu positif, raconte l’ingénieur, qui a été alerté par sa fièvre et une perte du goût. Moi, je ne croyais même pas que la maladie existait. Et bien j’ai eu tort, j’en suis un témoignage vivant. »
Comme Thierry, une majorité de Congolais reste persuadée que le Covid-19 n’existe pas ou du moins pas au Congo. Jusque-là, avec à peine 43 000 cas officiellement recensés depuis mars 2020, le pays semblait largement épargné par la pandémie. Mais depuis le 1er juin, une troisième vague de contaminations fait des ravages : plus de 10 000 nouveaux cas ont été enregistrés, dont la majorité à Kinshasa. Un chiffre probablement largement sous-estimé en raison du faible nombre de tests qui s’élèvent à quelque 2 000 par jour en moyenne.
Forts besoins en oxygène
Selon Jean-Jacques Muyembe, le chef de la riposte congolaise, le variant Delta, identifié pour la première fois en Inde, est responsable de 84 % de ces nouveaux cas. Le variant Alpha anglais et le variant Bêta sud-africain ont également été repérés dans des échantillons.
Plus virulent, le variant Delta entraîne davantage de formes graves de la maladie et donc davantage d’hospitalisations. Les besoins en oxygène sont bien supérieurs aux vagues précédentes. Et les patients arrivent souvent à un stade très avancé, « parce qu’ils n’ont pas été bien orientés dans les petits centres de santé », constate le docteur Mukendi, « ou parce qu’ils n’ont pas cru au virus ».
Des cliniques privées un peu partout dans la ville ont été mises à contribution pour soulager les hôpitaux publics accueillant des malades du Covid-19. Pour pallier le manque de lits, le comité de la riposte a demandé à réquisitionner 250 lits supplémentaires au grand hôpital du Cinquantenaire. « En plus, il y a de l’oxygène qui est produit sur place », fait valoir le professeur Kayembe.
Dans les hôpitaux, on manque de tout, y compris de moyens humains. « On pourrait mettre 8 ou 10 nouveaux lits dans une tente, détaille le docteur Mukendi. Mais niveau personnel, c’est impossible, on est en sous-effectif. » Le ministre de la santé, de son côté, a demandé l’achat de réactifs supplémentaires et d’oxygène pour pouvoir mieux dépister et traiter les malades.
Couvre-feu maintenu
Pour tenter de freiner cette troisième vague, le gouvernement a aussi renforcé les restrictions sanitaires. Les bars, les terrasses et les discothèques, qui avaient rouvert à l’été 2020, sont de nouveau fermés. Le couvre-feu est maintenu de 22 heures à 4 heures du matin et les restaurants doivent baisser le rideau dès 21 heures. Les rassemblements de plus de vingt personnes sont strictement interdits.
Avec ces nouvelles mesures, les contrôles de police se sont multipliés : ces dernières semaines, les vidéos d’arrestations musclées dans des bars ou des restaurants de la capitale congolaise ont été largement diffusées sur les réseaux sociaux. Des mesures répressives insuffisantes pour le personnel médical. « Quand je marche dans les quartiers, j’ai mal au cœur. Les gestes barrière ont été complètement abandonnés. J’ai envie de dire aux gens qu’on meurt du Covid-19 dans nos hôpitaux », soupire le docteur Lubanda, de l’hôpital Saint-Joseph.
Cette troisième vague inquiète d’autant plus que la campagne de vaccination n’a toujours pas décollé dans le pays. Malgré l’appui du dispositif Covax de l’OMS, la RDC a administré une première dose de vaccin à moins de 70 000 personnes, sur plus de 80 millions d’habitants, depuis le 19 avril.
De nombreuses personnalités publiques, dont le président lui-même, Félix Tschisekedi, et le coordinateur de la riposte contre le Covid-19, ne se sont pas fait vacciner, le premier pointant du doigt des problèmes d’effets secondaires liés au vaccin AstraZeneca et son « inefficacité ». Le pays en a reçu 1 700 000 doses en mars et les trois quarts ont été restituées à l’OMS.
Pour tenter de convaincre la population, le gouvernement a promis de diversifier son offre vaccinale. Le ministre de la santé a annoncé avoir demandé 5,9 millions de nouvelles doses, probablement Pfizer, Johnson & Johnson et Sinovac dans le cadre de Covax. Le président a promis de se faire vacciner lorsque ces nouveaux vaccins arriveront, « dans le courant de ce mois ». Des discussions bilatérales avec la Chine sont en cours pour obtenir 200 000 à 400 000 doses de Sinovac selon le ministre de la santé. Mais une campagne de communication d’envergure, annoncée depuis avril, se fait toujours attendre.
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