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Dix ans après leur vol, un Picasso et un Mondrian retrouvés dans une forêt en Grèce

Les deux tableaux dérobés : la toile de Picasso, intitulée « Tête de femme » (1939), et celle de Piet Mondrian, le « Moulin » (1905). COSTAS BALTAS / REUTERS

Le mystère aura duré près de dix ans. Les autorités grecques ont annoncé, mardi 29 juin, avoir récupéré un tableau de Pablo Picasso (1881-1973) et un autre de Piet Mondrian (1872-1944) qui avaient été dérobés à la Pinacothèque nationale d’Athènes, en 2012. Les œuvres ont été retrouvées – intactes – dans le ravin d’une forêt située à environ quarante-cinq kilomètres au sud-est de la capitale grecque.

Dans cette affaire, les nerfs des conservateurs du musée ont été mis à rude épreuve jusqu’au bout : la toile du maître espagnol Pablo Picasso, intitulée Tête de femme (56 × 40 cm, 1939), est malencontreusement tombée par terre lors de la conférence de presse de présentation… Un homme s’est précipité pour la ramasser et la remettre en place, sans toutefois mettre de gants.

Greek police recovered a stolen Picasso painting and dropped it while revealing it to the media… https://t.co/EwRpqDGgif

— NaomiOhReally (@Naomi O’Leary)

Le casse n’a pas été commis par une équipe de cambrioleurs professionnels, mais par un maçon grec de 49 ans. Ce dernier a été arrêté et a avoué être l’auteur du vol. Il a été placé en détention provisoire. On ignore comment la police est remontée jusqu’à lui. Le cambriolage avait initialement été attribué à deux personnes, mais la police a fait savoir que le maçon n’avait vraisemblablement aucun complice.

De nombreux commentaires ont fuité dans la presse locale et l’avocat du suspect, Me Sakis Kehagioglu, a confirmé une grande partie des informations divulguées par les médias grecs, rapporte le New York Times. L’homme, dont l’identité reste pour le moment inconnue, aurait dit aux policiers qu’il regrettait « profondément » son acte, qu’il a qualifié de « plus grosse erreur de [sa] vie ». Le maçon aurait également assuré être un passionné d’art et n’avoir jamais eu l’intention de vendre les tableaux. Néanmoins, selon des historiens de l’art néerlandais et italiens cités par des médias grecs, des tentatives de ventes auraient bien eu lieu.

Selon la ministre de la culture grecque, Lina Mendoni, la toile de Picasso aurait de toute façon été « impossible » à vendre en raison de l’inscription manuscrite de l’artiste mentionnant au dos du tableau : « Pour le peuple grec hommage de Picasso ». L’artiste avait offert ce tableau à la Grèce en 1949 pour saluer sa résistance contre le nazisme durant l’occupation de 1941-1944. L’autre tableau dérobé est le Moulin (35 × 44 cm, 1905), du peintre néerlandais Piet Mondrian, l’un des pionniers de l’abstraction.

Le cambriolage a duré sept minutes

Après avoir avoué, le suspect a conduit les policiers dans la forêt où les toiles étaient cachées dans une mallette. Selon les médias locaux, l’homme avait déplacé les tableaux à cet endroit en mai, après avoir lu dans la presse que la police pourrait être sur une piste. Avant cela, il avait gardé les tableaux chez un parent à qui il rendait fréquemment visite pour les admirer.

Une troisième œuvre avait été volée en 2012 : un dessin sur papier de l’artiste italien Guglielmo Caccia dit « Il Moncalvo » (1568-1625), représentant l’extase d’un saint. Mais le dessin, endommagé pendant le vol, a été jeté, selon le suspect.

Le cambriolage, qui avait duré sept minutes à peine, avait été préparé de longue date. Au cours des six mois précédant le vol, l’homme s’était rendu à la Pinacothèque nationale d’Athènes plus de cinquante fois afin d’étudier les lieux, le comportement des gardiens ainsi que l’emplacement des fenêtres et des caméras. « Je connaissais toutes les habitudes des gardiens, le moment où les équipes changeaient, qui fumait, qui sortait dans le jardin », a raconté le maçon lors de son audition, ajoutant :

« Et c’est comme ça que j’ai décidé de faire le braquage. (…) Je ne savais pas quelle œuvre j’allais prendre, juste que j’en voulais une. »

Le jour J est choisi au hasard. Le 8 janvier 2012, vêtu de noir et équipé de quelques outils – un marteau, un burin et un couteau – l’homme attend la fermeture du musée, à 21 heures, avant de s’y introduire en passant par un balcon dont les portes ne sont pas sécurisées.

Un système de sécurité obsolète

Un rapport des autorités grecques avait par la suite établi que le système de sécurité du musée, installé en 1992, n’avait bénéficié d’aucune amélioration depuis 2000. Le ministre de l’intérieur de l’époque avait évoqué des protections « inexistantes ». Plusieurs zones du musée étaient hors de portée des caméras et les piles des alarmes, absentes ou usées, entraînaient régulièrement le déclenchement intempestif des sonneries. En outre, le musée était en sous-effectif au moment du vol en raison d’une grève du personnel.

Lorsqu’il déclenche une alarme par inadvertance en ouvrant une porte, le voleur décide de changer de plan : il va volontairement faire sonner l’alarme plusieurs fois, mais sans entrer dans le bâtiment, pour tromper la vigilance des gardiens. « C’était le meilleur moyen de commettre le vol, en faisant croire aux gardiens qu’il y avait un problème technique avec les alarmes », a déclaré le suspect à la police. Finalement, vers 4 heures, après s’être faufilé et avoir rampé de pièce en pièce, il arrive dans la galerie.

Son récit laisse entende qu’il est tombé sur son butin presque par accident : « Je me suis levé et je me suis retrouvé devant le tableau de Picasso », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il l’a tout simplement retiré du mur puis de son cadre avant de faire de même avec le Mondrian et le Caccia. Repéré, il est ensuite pris en chasse par un gardien mais parvient à lui échapper. Dans sa fuite, il a abandonné une autre œuvre de Mondrian qu’il avait subtilisée. Un vol simple et audacieux qui pourrait valoir à son auteur jusqu’à dix ans de prison.

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