A l’expiration du délai imposé par la justice pour se rendre aux autorités, l’ancien président sud-africain Jacob Zuma a annoncé dimanche soir 4 juillet qu’il ne se constituera pas prisonnier, malgré une condamnation à de la prison ferme par la Cour constitutionnelle du pays.
Après sa condamnation mardi à quinze mois pour outrage par la plus haute juridiction, après avoir à plusieurs reprises refusé de témoigner dans le cadre d’enquêtes pour corruption d’Etat, la décision semblait sans appel : Zuma, 79 ans, irait derrière les barreaux.
La justice lui avait donné cinq jours pour se rendre dans un commissariat et le pays attendait de voir si l’ancien chef de l’Etat allait obéir de lui-même ou serait emmené au cours d’une spectaculaire arrestation par la police.
C’est finalement en jouant à nouveau de ses deux armes favorites, la ruse juridique et le soutien populaire, qu’il s’est acheté un sursis : la Cour constitutionnelle a accepté samedi une demande du camp Zuma de revoir son jugement et une nouvelle audience a été fixée au 12 juillet.
« Ne touchez pas à Zuma ! »
« Pas besoin que j’aille en prison aujourd’hui », a déclaré, en riant, l’ex-président à la presse, depuis son fief de Nkandla, dans le Kwazulu-Natal (est). Techniquement, cette nouvelle audience ne suspend pas la condamnation, mais Jacob Zuma a estimé qu’« ils ne peuvent pas accepter les papiers et attendre de moi que je me présente en prison ».
Et la foule de partisans campés dimanche devant sa résidence dans la campagne zoulou, munis de banderoles « Ne touchez pas à Zuma ! », était là pour l’appuyer. S’exprimant en zoulou et entonnant sur une scène des chants avec les centaines de militants qui ont scandé son nom, le politicien, volontiers provocateur, a lancé : « Quand j’ai vu la police ici, je me suis demandé comment ils allaient arriver jusqu’à moi, comment ils allaient passer à travers tous ces gens. »
L’ex-président est accusé d’avoir pillé l’argent public pendant ses neuf années au pouvoir. Depuis la création en 2018 d’une commission d’enquête sur la corruption d’Etat, M. Zuma, déjà mis en cause par une quarantaine de témoignages, multiplie les manœuvres pour éviter de témoigner, ce qui l’a envoyé à la case prison.
Pour le politologue sud-africain Ralph Mathekga, ces derniers rebondissements sont un « non-sens ». « C’est embarrassant pour le pays et ça se produit simplement à cause d’une menace d’instabilité politique », précise-t-il. Certains craignent en effet que la condamnation de l’ancien président n’engendre une grave crise politique au sein du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).
« Un homme politique d’hier »
Le parti a annulé ce week-end une réunion de son tout-puissant comité national exécutif (NEC), déclarant être « conscient de la situation qui se développe au Kwazulu-Natal » et de la nécessité « de donner une direction claire ».
Miné par une guerre de factions, l’ancien chef de l’Etat y compte encore de fidèles soutiens, opposés à l’actuel président Cyril Ramaphosa. Et l’une de ses tactiques a été d’entretenir les divisions pour mieux régner.
Retranché dans sa maison de Nkandla, l’ancien dirigeant a reçu pendant le week-end un défilé de dignitaires locaux et membres de l’ANC, pour « des conversations politiques », selon l’un d’entre eux. « Tout cela se passe dans le Kwazulu-Natal. C’est une province dans laquelle si on poursuivait tous les membres de l’ANC qui ont quelque chose à se reprocher, la moitié aurait disparu », souligne le politologue Ralph Mathekga.
Ailleurs, le pays n’a pas été mis à feu et à sang au nom de Zuma. « Son pouvoir s’estompe malgré tout, Zuma est un homme politique d’hier », remontant au temps des affaires, selon M. Mathekga.
Et l’ancien président « ne pourra être pris deux fois pour avoir défié une décision de justice », estime l’expert en droit constitutionnel, Lawson Naidoo, selon qui ce précédent pourra servir lors de son procès pour corruption qui reprend ce mois-ci.
Jacob Zuma est jugé dans une affaire de pots-de-vin dans le cadre d’un contrat d’armement, vieille de plus de vingt ans. Là aussi, il a enchaîné les stratagèmes pour repousser l’affaire. Si les autorités ne finissent pas par l’arrêter, « l’Afrique du Sud sera considérée comme un Etat défaillant dans lequel l’Etat de droit ne s’applique pas », avertit le politologue Ebrahim Fakir.
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