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Éthiopie : la famine s’aggrave au Tigré, l’ONU exhorte les rebelles à appliquer le cessez-le-feu

Cinq jours après la prise de la capitale régionale Mekele par les Forces de défense du Tigré, la communauté internationale a alerté, vendredi, sur une situation humanitaire dramatique sur place. Selon l’Organisation des Nations unies, 5,2 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence et plus de 400 000 personnes sont en situation de famine. L’ONU exhorte par ailleurs les rebelles à appliquer le cessez-le-feu décrété par l’Éthiopie.

Plus de 400 000 personnes ont « franchi le seuil de la famine » au Tigré, région du nord de l’Éthiopie en guerre depuis huit mois, a prévenu vendredi 2 juillet, un haut responsable de l’ONU. L’organisation exhorte par ailleurs les rebelles à appliquer le cessez-le-feu décrété par l’Éthiopie.

Une première réunion publique du Conseil de sécurité de l’ONU s’est tenue vendredi, cinq jours après que les forces des autorités dissidentes du Tigré ont repris Mekele – un moment-clé dans le sanglant conflit qui ravage la région depuis huit mois. 

Malgré l’annonce, dès lundi soir, d’un « cessez-le-feu unilatéral » par le gouvernement éthiopien, les rebelles ont continué leur progression. Ils ont désormais pris une vaste majorité de cette région de l’extrême nord, provoquant l’inquiétude de la communauté internationale. Il est notamment question du sort de centaines de milliers de civils, qui risquent de se trouver en proie à la famine.

Vendredi, l’ONU a ainsi exhorté les rebelles « à approuver immédiatement et complètement le cessez-le-feu » décrété par le gouvernement éthiopien dans la région, a déclaré la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo.

« Un cessez-le-feu observé par toutes les parties faciliterait non seulement la fourniture d’une aide humanitaire, mais serait également un point de départ pour les efforts politiques nécessaires pour tracer une voie de sortie de crise », a-t-elle ajouté.

« Toutes les parties doivent garantir le passage sûr des travailleurs humanitaires pour la livraison continue des fournitures », a aussi souligné la responsable de l’ONU, en précisant qu’il n’y avait plus d’entrées d’avions ni de sorties dans la région du Tigré. 

La réunion a été demandée par les États-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni. Elle a nécessité d’âpres négociations avec les membres africains du Conseil de sécurité (Kenya, Niger, Tunisie) qui ne voulaient pas, comme l’Éthiopie, que la question du Tigré soit un sujet discuté formellement par cette instance. Selon ces pays, soutenus par plusieurs autres pays (Russie, Chine notamment, disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité), le conflit au Tigré relève d’une affaire interne à l’Éthiopie et si des efforts internationaux doivent être réalisés, cela doit être le fait des Africains, via par exemple l’Union africaine.

L’accès à l’aide humanitaire en question

Les États-Unis considèrent que 900 000 personnes sont « vraisemblablement déjà en train de faire face à des conditions de famine ». « On estime que plus de 400 000 personnes ont franchi le seuil de la famine et que 1,8 million de personnes supplémentaires sont au bord de la famine. Certains suggèrent que les chiffres sont encore plus élevés. 33 000 enfants souffrent de malnutrition sévère », a prévenu, de son côté, le secrétaire général adjoint par intérim aux Affaires humanitaires de l’ONU, Ramesh Rajasingham.

Selon l’ONU et le Programme alimentaire mondial (PAM), 5,2 millions de personnes, soit 91 % de la population du Tigré, ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. L’agence onusienne a indiqué, vendredi, avoir repris ses opérations d’aide après une pause de deux jours, espérant atteindre 30 000 personnes « d’ici le week-end ».

Jeudi, l’ONU et plusieurs ONG ont par ailleurs confirmé la destruction d’un pont situé sur un axe crucial pour la livraison de l’aide alimentaire, ce qui accroît les craintes d’un possible « blocus ». Selon l’ONU, le pont a, « d’après certaines informations », été détruit par les forces amhara, bien que le gouvernement en ait porté vendredi la faute sur les forces tigréennes.

Le gouvernement d’Abiy Ahmed s’est engagé à de nombreuses reprises à faciliter l’accès humanitaire et à fournir lui-même de l’aide. Il a d’ailleurs affirmé lundi que le cessez-le-feu était motivé par des raisons humanitaires. Mais alors que l’électricité et les télécommunications sont coupées, que les vols sont suspendus et que la plupart des routes sont bloquées, des responsables onusiens et des diplomates craignent que la situation se détériore encore. 

« Un cessez-le-feu, cela ne signifie pas couper l’électricité dans une région ou détruire les infrastructures critiques », a déclaré vendredi sur Twitter Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne. « Un cessez-le-feu crédible signifie faire tout son possible pour que l’aide atteigne les millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui en ont urgemment besoin », a-t-il ajouté.

A cease fire doesn’t mean cutting a region off power or destroying critical infrastructure.

A credible cease fire means doing everything possible so that aid reaches the millions of children, women and men who urgently need it. Saving lives should be a priority for all. #Tigray

— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) July 2, 2021

Huit mois de conflit

Mekele était sous le contrôle de l’armée fédérale depuis le 28 novembre, trois semaines après le lancement par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, d’une offensive pour renverser les autorités issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Mais les forces fédérales ne sont jamais parvenues à remplir un de leurs principaux objectifs : arrêter et désarmer les leaders du TPLF, dont l’ancien homme fort de la région, Debretsion Gebremichael. Parallèlement, les forces pro-TPLF, nommées Forces de défense du Tigré (TDF), se sont organisées, s’appuyant sur le soutien de la population pour préparer la contre-offensive. 

Nommée opération Alula – du nom d’un célèbre général tigréen du XIXe siècle –, elle a été lancée le 18 juin, trois jours avant les élections nationales très attendues qui se tenaient dans une grande partie de l’Éthiopie. 

Pendant ces huit mois de conflit, la région Amhara, située au sud du Tigré, ainsi que l’Érythrée, pays voisin bordant sa limite nord, ont envoyé sur place leurs propres soldats pour épauler l’armée éthiopienne. Les troupes de l’Érythrée, qui n’a pas encore réagi à l’annonce de cessez-le-feu, ont été accusées de certains des pires massacres de la guerre, conduisant les États-Unis et l’Union européenne à appeler de manière répétée à leur départ. 

Cette semaine, Redwan Hussein, le porte-parole de la cellule de crise gouvernementale pour le Tigré, a affirmé que ce retrait avait commencé, ce qu’a confirmé jeudi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), affirmant que les Érythréens se sont largement « retirés du Tigré », se déplaçant vers leur frontière.

Dans le même temps, Getachew Reda, un des porte-paroles des TDF qui a qualifié le cessez-le-feu de « blague », est allé jusqu’à menacer de « marcher » sur Addis Abeba et Asmara pour défendre le Tigré. 

Avec AFP

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