Tribune. La Chine fête en grande pompe le 100e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, créé à Shanghaï le 1er juillet 1921. Pour le peuple chinois, il y a de quoi se sentir fier : une montée en puissance habilement conçue et couronnée de succès le 1er octobre 1949, puis une continuité sans faille. A aucun moment la Chine n’aura connu d’alternance à la tête de la Cité interdite, ni même vu émerger un parti d’opposition.
Nous voyons à un bout de ce siècle le futur président Mao Zedong, simple bibliothécaire à l’origine, s’imposer d’abord comme un chef politique, puis comme un stratège militaire sans états d’âme, et enfin comme un dictateur illuminé. Il a mené son pays en alternant campagnes idéologiques forcenées et périodes de répit indispensables au redémarrage économique.
A l’autre bout de cette longue histoire, l’héritier direct de Mao, Xi Jinping, qui reprend les méthodes bien rodées du culte de la personnalité, et remet à l’honneur les méthodes honnies de la Révolution culturelle (1966-1976)telles que l’arrestation des opposants, penseurs, patrons d’entreprises trop ambitieux, au nom de la sacro-sainte stabilité sociale. Entre ces deux extrémités, combien de Chinois sacrifiés sur l’autel du parti unique ? Combien d’options divergentes qui auraient pu garantir à la Chine un développement pacifique et bienveillant à l’égard de son peuple ?
Glorieuse tradition
Qui se souvient de Chen Duxiu, le premier secrétaire du tout nouveau Parti communiste chinois ? Un homme qui, dès les années 1910, prônait l’adaptation à la Chine de certaines idées nouvelles venues de l’Occident, telles que le communisme, il est vrai, mais aussi le rejet du conservatisme confucéen qui avait fossilisé la Chine, et l’égalité des sexes. Il mourut dans la solitude en 1942, marginalisé et persécuté par son grand rival Mao. Suivirent tous les autres : Peng Dehuai, qui aurait voulu tempérer les ardeurs de Mao durant la réforme du Grand Bond en avant, initiative brutale qui provoqua la famine de 30 ou 40 millions de Chinois, puis le fidèle bras droit, Lin Biao, dont l’avion s’écrasa au sol alors qu’il tentait de rejoindre la Russie.
Xi Jinping a renoué avec cette glorieuse tradition en éliminant d’abord les proches de ses prédécesseurs, Jiang Zemin et Hu Jintao, sous prétexte de « corruption », puis les avocats défenseurs des droits civiques, qu’il fit enfermer par centaines en 2015.
N’oublions pas Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix 2010, mort en détention en 2017, pour avoir refusé d’oublier les victimes du massacre de la place Tiananmen en 1989. Liu nous avait rappelé dans une série d’articles les grands aveuglements de l’Occident face à la montée des dictatures du XXe siècle. Il disait dans un article posté sur Internet en 2005, et intitulé « Les quatre grandes erreurs des pays libres au XXe siècle » qu’il ne comprenait pas comment les intellectuels occidentaux avaient pu s’enticher d’un dictateur comme Staline. Pourquoi la France et la Grande-Bretagne avaient-elles si aisément accepté de faire des compromis avec l’Allemagne et l’Italie ? Après la seconde guerre mondiale, pourquoi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient-ils fait de telles concessions à l’URSS ? Dans les années 1960 et 1970, pourquoi les intellectuels européens les plus brillants se sont-ils entichés de la « pensée Mao Zedong » ?
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