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L’expansionnisme chinois, une politique qui doit plus à la “tradition” qu’au Parti communiste

Le Parti communiste chinois fête jeudi ses 100 ans sur fond de méfiance internationale à l’égard des velléités expansionnistes de l’empire du Milieu. Si le président chinois Xi Jinping a réitéré mercredi sa volonté de « hisser » la Chine « au premier rang du monde » à l’horizon 2049, cette stratégie appartient, selon Jean-Vincent Brisset, chercheur associé à l’Iris, davantage à la « tradition » chinoise qu’à l’idéologie du parti.

Le Parti communiste chinois (PCC) célèbre, jeudi 1er juillet, les 100 ans de sa naissance, avec un déferlement de propagande à la gloire d’une Chine devenue en 40 ans la deuxième puissance économique mondiale.

À l’extérieur de ses frontières, elle fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes pour sa politique dans la région de Xijiang, en mer de Chine méridionale, à l’égard de Hong Kong ou encore de Taïwan. Le président américain, Joe Biden, s’efforce quant à lui de fédérer ses alliés occidentaux contre une menace chinoise qu’il estime planétaire.

Mercredi, en ouverture du 19e Congrès du PCC, le président chinois Xi Jinping a dressé le tableau d’une Chine « socialiste moderne », qui se « hissera au premier rang du monde » à l’horizon 2049, date du centenaire de la République populaire.

Radicalement transformée par quatre décennies de réformes économiques, la Chine d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celle de Mao, mais elle poursuit néanmoins les mêmes visées expansionnistes sans que cela ne soit toutefois intrinsèquement lié au parti dont le pays fête le centenaire.

Jean-Vincent Brisset, chercheur associé à l’Iris, l’affirmait déjà à France 24 à l’occasion du 70e anniversaire de la République populaire : « La manière de gouverner et la manière de gérer la société sont issues des régimes communistes, mais la manière de gérer les relations internationales n’a rien à voir avec le communisme théorique. »

Il en est de même concernant la stratégie expansionniste de la Chine, dit-il aujourd’hui. Selon lui, celle-ci est davantage le fait de la « tradition » et de la « conception de la civilisation chinoise » que de l’idéologie du parti.

France 24 : Comment le Parti communiste chinois a-t-il fait évoluer la stratégie expansionniste de Pékin depuis 100 ans ?

Jean-Vincent Brisset : Il n’y a rien de nouveau dans les revendications territoriales de la Chine : elles vont largement au-delà de la mer de Chine du Sud et comprennent tout l’Extrême-Orient soviétique… Ces revendications étaient déjà dans les manuels scolaires dès les débuts de l’ère Mao.

Le Parti communiste est une dynastie comme les autres par beaucoup d’aspect. Xi Jinping se comporte comme un empereur chinois classique, sauf que désormais la Chine dispose d’une puissance au niveau international qui lui permet d’appuyer ses revendications territoriales qui, encore une fois, n’ont rien de nouveau et sont présentes dans le passé de la Chine.

Ce n’est pas le fait du Parti communiste, c’est chinois, et notamment quand la Chine est forte. À partir du moment où elle est redevenue forte, la Chine en a profité pour pousser en avant toutes ses revendications territoriales. C’est ce qui se passe en mer de Chine du Sud et en mer de Chine de l’Est, mais aussi avec l’Inde, ce dont on parle un peu moins.

Ces velléités expansionnistes se retrouvent aussi dans les Nouvelles routes de la soie, qui visent à renforcer la position de la Chine sur le plan mondial ?

Ici, il s’agit de savoir si ce sont des pseudopodes [extensions tentaculaires, NDLR] qui resteront à cet état, ou si ces Nouvelles routes de la soie ont vocation à être des têtes de pont autour desquelles la Chine s’élargira.

Si l’on reprend la manière dont s’est développé le territoire chinois, les routes de la soie existaient déjà depuis longtemps. Tout ceci est très commercial et n’aboutit pas nécessairement à des mainmises politiques. Il n’y a, par exemple, pas de mainmise sur le Pakistan. Le long des routes de la soie se trouvent, certes des pays vassaux comme le Sri Lanka, mais cela s’arrête assez rapidement.

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Comment ces visées expansionnistes sont-elles perçues par les grandes puissances occidentales ?

Un certain nombre de pays qui étaient très faibles avec la Chine – notamment l’Allemagne – sont en train de durcir leur position. De son côté, le président américain Joe Biden a repris les déclarations de son prédécesseur, Donald Trump, et il essaie d’entraîner derrière lui l’ensemble du monde occidental.

Il y a une évolution, et il va falloir la surveiller, parce que la réponse traditionnelle des Chinois est de faire du nationalisme. L’appel à la fibre nationaliste du pays fonctionne très bien en Chine. La fierté a été retrouvée avec les Jeux olympiques et l’exposition de 2010 et, depuis, le régime chinois en joue beaucoup.

Xi Jinping souhaite faire de la Chine un « leader global » d’ici 2049. Qu’est-ce que cela signifie ?

La question qui se pose est de savoir à quelle échelle elle envisage ce leadership. En effet, la Chine a un problème qui date de toujours et qui n’a rien à voir avec l’actualité du Parti communiste : c’est la difficulté à savoir si elle veut être une puissance mondiale ou une puissance régionale. Au niveau le plus élevé de la gouvernance du parti, les dirigeants ne savent pas s’ils veulent faire de la Chine une puissance régionale absolue, ou une puissance mondiale qui compte.

Au niveau régional, il n’y a pas de discussion : ils estiment que le pays est la puissance absolue avec, autour de lui, des vassaux. Mais pour devenir une des plus grandes puissances mondiales, il leur faudra accepter des règles qui ne sont pas toutes fixées par Pékin, et ça, c’est insupportable pour un certain nombre de Chinois, tout comme pour une partie du régime. Pourtant, au sein de ce dernier, il y a de plus en plus de « modernes « , que ça ne choquerait pas de diriger un pays qui discute avec le reste du monde.

Le Parti communiste est un épisode. Théoriquement, la dynastie communiste n’est pas héréditaire, mais Xi Jinping inaugure quelque chose de plus héréditaire que ses prédécesseurs. On est vraiment dans quelque chose qui est très largement empreint de la tradition et de la conception de la civilisation chinoise vis-à-vis du reste du monde, plus que du Parti communiste, qui a déjà abandonné beaucoup de références au marxisme et à la haine du capitalisme. Le parti est estampillé communiste, mais il s’agit avant tout du parti chinois.

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