Vivarte, autrefois fleuron du textile français mis en difficulté par la concurrence internationale et des rachats successifs, devrait être liquidé d’ici la fin de l’année, sous le regard amer d’anciens salariés qui avaient alerté à de nombreuses reprises, jusqu’à Emmanuel Macron avant qu’il ne soit élu président.
Avril 2017, l’alors ministre de l’Economie est encore candidat quand il rend visite à des représentants des salariés de Vivarte. « Il n’y a pas de magicien », avertissait alors Emmanuel Macron. Devant les caméras de l’Emission politique de France 2, il demandait aux représentants de « défendre vos salariés, de ne pas lâcher et l’Etat prendra ses responsabilités ».
« Un gros PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) avait été validé entre les deux tours de la présidentielle », se rappelle Gérald Gautier, alors représentant syndical Force ouvrière.
Emmanuel Macron « a dit qu’on ne laisserait pas faire, et rien ne s’est passé », regrette-t-il mardi, au lendemain de l’annonce de la cession d’ici la fin de l’année des deux dernières marques de Vivarte, Caroll et Minelli.
– « Leader européen » –
Des banderoles devant une base logistique de La Halle, une marque de l’entreprise Vivarte, elle-même promise à la faillite, à Issoudun, le 2 juin 2020 (AFP/Archives – GUILLAUME SOUVANT)
Naf Naf, Chevignon, Beryl, Pataugas, Kookaï ou Creeks, sans parler du mastodonte La Halle… Toutes ont un temps fait partie de l’ancien groupe André, créé à la fin du XIXe siècle et rebaptisé Vivarte en 2001.
Dans les faits, un PSE est en cours pour les 34 derniers salariés de Vivarte Services, qui regroupe les fonctions supports. Et, une fois que Caroll et Minelli seront vendus, respectivement aux groupes français Beaumanoir et San Marina, une ancienne marque du groupe, le groupe sera définitivement liquidé.
Comment en est-on arrivé là ?
Au mitan de la décennie 2000, « Vivarte était le leader européen de l’équipement à la personne, a compté une grosse vingtaine de belles marques, certaines franco-françaises, et 22.000 salariés », rappelle Jean-Louis Alfred, ancien représentant CFDT au comité de groupe et désormais « licencié économique de Vivarte ».
Mais le groupe a souffert de rachats successifs par des fonds, dont certains au prix d’un important endettement. Les organisations représentatives du personnel mobilisent alors contre ces LBO, « leverage buy-out » ou rachat avec effet de levier, sans pouvoir les empêcher.
Le poids de la dette va obliger l’enseigne à céder progressivement ses marques, et l’empêcher de faire face à la concurrence des ventes de vêtements en ligne, dont les frais de fonctionnement sont généralement beaucoup moins importants.
En 2014, les fonds créanciers Oaktree, Alcentra, GoldenTree et Babson deviennent les actionnaires de référence de Vivarte.
– « Indifférence totale des politiques » –
Une boutique Naf Naf, le 25 janvier 2017 à Dunkerque, au lendemain de la cession de la marque par Vivarte (AFP/Archives – PHILIPPE HUGUEN)
« Déjà à l’époque, on disait qu’on irait vers un démantèlement du groupe », regrette Jean-Louis Alfred. Les syndicats alerteront en effet à de multiples reprises, « dans l’indifférence totale des politiques », accuse-t-il lui aussi.
« Vivarte, c’est 5.000 magasins dans toute la France, ce n’est pas un seul gros site comme celui de Goodyear où vous pouvez aller vous faire prendre en photo… »
Le point d’orgue du démantèlement interviendra en pleine épidémie de Covid-19, à l’été 2020, avec le redressement judiciaire de La Halle. Sur les 830 magasins (et 5.500 emplois) que comptait encore l’enseigne de vêtements et chaussures, 508 avaient été repris dont 366 par Beaumanoir.
« A La Halle surtout, il y avait une vraie culture d’entreprise », regrette Gérald Gautier, qui y était rentré « il y a 20 ans ». « Les gens prenaient du plaisir à travailler ensemble et formaient une vraie famille. Tout a été détruit au fur et à mesure ».
Dans le quotidien Les Echos mardi, le président de Vivarte, Patrick Puy, un spécialiste de la restructuration d’entreprises arrivé aux commandes en 2016, a estimé que le démantèlement du groupe « était inéluctable ».
« Tout ça fait mal au coeur », conclut Jean-Louis Alfred, qui lance un appel aux responsables politiques: « La dernière chose qu’on puisse faire pour Vivarte, pour tous ces salariés qui se sont sentis des sous-citoyens, ce serait de légiférer contre ce genre de montage, et contre ce genre de fonds, qui n’arrivent que pour démanteler un groupe ».
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