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L’incroyable ruée vers les introductions en Bourse

Publié le : 28/06/2021 – 22:42

Le nombre d’introductions en Bourse depuis le début de l’année a atteint des sommets qui rappellent l’époque précédant l’éclatement de la bulle internet, ont calculé CNN et Bloomberg, dimanche. Un boom lié à la pandémie et dont l’issue dépendra de la gestion de l’après-crise. 

Didi, le concurrent chinois d’Uber, s’apprête à entrer en Bourse à New York cette semaine. Le groupe espère lever environ quatre milliards de dollars à cette occasion, ce qui lui permettra d’être valorisé à plus de 60 milliards de dollars – devenant ainsi l’entrée en Bourse la plus importante depuis le début de l’année.

Mais l’arrivée annoncée de Didi au New York Stock Exchange n’est que l’arbre qui cache la forêt du boom des introductions en Bourse en 2021. Sur les six premiers mois de l’année, il y a eu 350 milliards de dollars levés au niveau mondial par plus de 1 100 entreprises ayant fait leur début sur les marchés financiers, a calculé la chaîne économique Bloomberg, dimanche 27 juin. Plus de 110 sociétés sont entrées en Bourse rien qu’aux États-Unis entre avril et juin, renchérit CNN.

De l’argent comme s’il en pleuvait

“De Hong Kong à New York, les marchés financiers sont en effervescence depuis six mois. On n’avait plus vu un tel engouement pour les introductions en Bourse depuis la fin des années 1990, juste avant l’éclatement de la bulle internet”, confirme Aaron Arth, l’un des responsables de la banque Goldman Sachs en Asie, interrogé par Bloomberg.

Cette bonne santé boursière peut surprendre. “Généralement, un an après le déclenchement d’une crise majeure comme celle du Covid-19, on assiste à la tendance inverse. Ainsi, le marché des introductions en Bourse avait atteint son plus bas historique en 2009, après le début de la crise des subprimes”, rappelle Alexandre Baradez, responsable des analyses marchés pour le cabinet de conseil financier IG France.

La tendance actuelle des entrepreneurs à faire le grand saut boursier représente une illustration supplémentaire de la dynamique très particulière des marchés financiers durant cette pandémie. Il y a eu l’irruption des particuliers-investisseurs avec l’affaire GameStop, la frénésie pour les cryptomonnaies et le crypto-art, les placements dans d’obscurs objets financiers comme les Spacs (les sociétés d’acquisition à but spécifique), et désormais les introductions en Bourse qui battent des records.

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Tous ces phénomènes ont une origine commune : ils ont bénéficié “d’énormes quantités de liquidités injectées par les Banques centrales dans l’économie pour soutenir l’activité durant la pandémie”, souligne Alexandre Baradez. Des fonds à foison qui ont permis aux investisseurs de multiplier les paris boursiers dans tous les secteurs possibles et imaginables.

Il y a tellement d’opportunités “que les banques à Wall Street se retrouvent actuellement en manque d’analystes pour réussir à tout suivre”, assure Kevin Mahoney, responsable des activités de placement bancaire pour le cabinet new-yorkais de conseil financier Bay Street Advisors, interrogé par CNN.

Tant que les indicateurs sont encore au vert

Le boom des introductions en Bourse a, aussi, ses propres raisons d’être. Tout d’abord, ce phénomène “est porté par les entrées en Bourse dans le secteur tech qui a beaucoup profité de l’accélération de la dématérialisation de l’économie”, note Alexandre Baradez. Les débuts remarqués sur les marchés financiers de sociétés comme Coursera, une plateforme de formation en ligne, Bumble, un réseau de sites de rencontres, ou encore Roblox, un éditeur de jeux vidéo pour enfant, démontrent l’appétit des investisseurs pour l’univers tech.

La multiplication des jeunes pousses qui tapent à la porte du New York Stock Exchange ou du Nasdaq ces derniers mois – 21 veulent franchir le pas cette semaine aux États-Unis – tient aussi à un subtil changement dans l’air du temps boursier. Les banques centrales commencent à évoquer une future hausse des taux maintenant que l’économie semble sortir la tête de la pandémie et qu’il convient de contrer le risque de l’inflation. “Tout le monde veut y aller tant que les indicateurs sont encore au vert et qu’il est facile de lever des fonds. Il y a comme un sentiment que la fenêtre d’opportunité risque de se refermer bientôt”, explique Alexandre Baradez.

Conséquence de cette ruée boursière, aussi bien parmi les entrepreneurs que les investisseurs : “Il y a un effet d’emballement qui fait que beaucoup d’introductions en Bourse bénéficient de valorisations très élevées, souvent pour des entreprises qui n’ont encore jamais fait de bénéfices”, souligne l’analyse d’IG France.

Les optimistes y verront un bon signe pour la reprise économique à venir. Tout cet argent que les nouveaux venus sur les marchés financiers ont réussi à lever va leur permettre de réaliser d’importants investissements dans leur croissance et ainsi multiplier les recrutements. C’est l’application de la fameuse théorème de Schmidt – du nom du chancelier allemand de 1974 à 1982, Helmut Schmidt – selon lequel les “investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain et les emplois d’après-demain”.

Il y aurait ainsi un véritable cercle vertueux qui se mettrait en place. Avec la fin progressive des mesures de restrictions sanitaires, la demande a déjà commencé à redémarrer et les introductions en Bourse réussies vont créer de nouveaux emplois permettant d’améliorer le pouvoir d’achat de ces nouveaux salariés – qui vont, à leur tour, consommer davantage et ainsi entretenir la croissance. 

Mais “il existe aussi un risque réel de surchauffe sur les marchés”, nuance Alexandre Baradez. Après la période actuelle d’euphorie, les investisseurs risquent de se rendre compte qu’ils ont payé trop cher pour des actions d’entreprises qui tardent à générer des profits. Il pourrait alors y avoir des corrections des cours de ces sociétés et “si le choc est trop important, il peut entraîner un effet domino qui peut affecter tout le marché et, par conséquent, l’économie réelle”, note l’analyse français. 

Pour lui, la phase actuelle est cruciale et “tout dépend de la capacité des Banques centrales à gérer la transition entre la période de la pandémie et celle de l’après-crise”. Si elles relèvent trop vite les taux, le contre-coup boursier pourrait être douloureux. Mais si elles tardent à réagir à cette surchauffe du marché des introductions en Bourse, un point de non-retour pourrait être atteint, avec des entreprises bénéficiant de valorisation boursière qui n’ont plus aucun rapport avec la réalité économique. Ce serait alors un château de carte qui risquerait de s’effondrer tout seul, comme au début des années 2000, avec l’éclatement de la bulle internet.

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