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Brésil : à Ribeirao Preto, l’agronégoce roule toujours pour Jair Bolsonaro

Par Bruno Meyerfeld

Publié aujourd’hui à 05h41, mis à jour à 05h54

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ReportageLa première région sucrière du monde, dans l’Etat de Sao Paulo, se réjouit des mesures prises par le président brésilien : démantèlement des agences de protection de l’environnement, homologation de nouveaux pesticides, crédits massifs, ou assouplissement des conditions de port d’arme à feu pour défendre la propriété privée contre les paysans sans terre…

Certains disent que l’argent n’a pas d’odeur. C’est probablement qu’ils ne se sont jamais rendus dans l’intérieur profond de l’Etat de Sao Paulo. Ici, le profit a un parfum tout particulier : celui du caramel. Un arôme envoûtant, revigorant, qui embaume littéralement les collines verdoyantes de la région. Paradoxal, pour ce qui est en réalité le fumet du froid et puissant agronégoce brésilien.

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La région de la ville de Ribeirao Preto, petit bout de Brésil grand comme l’Ile-de-France, à 400 kilomètres de la côte, est en effet entièrement vouée à la production sucrière. Elle est dans sa quasi-totalité recouverte d’une vaste mer de champs de canne, couleur de jade, alimentant un chapelet d’usines à saccharose, responsables dudit fumet.

Prenez celle de Santa Cecilia, propriété du groupe Viralcool, près du bourg de Pitangueiras : un véritable donjon de métal et de cheminées, vibrant et fumant. « Santa Cecilia, c’est 340 employés, 3,3 millions de tonnes de cannes traitées par an, une capacité de production de 2 200 tonnes de sucre et 1 million de litres d’éthanol par jour ! », détaille fièrement Ronaldo Barros, 42 ans, directeur industriel des lieux.

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Tout ici fonctionne à flux tendu : moins de deux heures après avoir été coupée dans les champs, la canne est démembrée, défibrée, broyée, pressée, chauffée, essorée, afin d’en extraire son précieux jus, transformé par un procédé chimique complexe en sucre ou en biocombustible. Direction le port international de Santos, à six heures de route. Puis, le vaste monde. « Tout doit aller très vite ! C’est une question d’heure », insiste Ronaldo Barros.

Un employé de l’usine Viralcool le 2 juin 2021. TOMMASO PROTTI POUR LE MONDE

« Californie brésilienne »

Car le temps, à Ribeirao Preto, c’est de l’argent. Beaucoup d’argent. Le Brésil, leader incontesté du sucre, détient autour de 40 % du marché mondial : 41 millions de tonnes ont été produites lors de la dernière récolte, entre avril 2020 et mars, dont un quart a été transformé en éthanol. Le secteur dit « sucroénergétique » exporte vers 140 pays, emploie 500 000 travailleurs. Valeur brute de la production : entre 25 milliards et 30 milliards d’euros.

Mais, au-delà des chiffres, il y a le symbole : voilà cinq siècles que l’histoire du Brésil se confond avec celle de son sucre. Implanté dans le Nordeste dès l’arrivée des Portugais, « l’or blond » fit aux XVIe et XVIIe siècles la fortune des élites de Bahia et Recife. Il stimule la colonisation et encourage l’« importation » de millions d’esclaves, trimant dans les champs de canne et les usines à sucre – les engenhos : véritables creusets de la civilisation brésilienne, selon le sociologue Gilberto Freyre.

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