L’Afrique fait actuellement face à une hausse du nombre de cas de contamination, alerte l’OMS, jeudi. Jusqu’à présent, le continent africain a été beaucoup moins touché par la pandémie de Covid-19 que l’Europe et l’Amérique. Mais il reste vulnérable en raison de la fragilité, voire de l’insuffisance, de ses systèmes médicaux et du faible accès des pays aux vaccins.
Alors que jusqu’à présent le continent africain avait été beaucoup moins touché par la pandémie que l’Europe ou l’Amérique, l’OMS tire désormais la sonnette d’alarme. L’organisation onusienne s’inquiète, jeudi 24 juin, d’une « troisième vague » sur le continent « qui prend de la vitesse » et « se propage plus vite et frappe plus fort ».
Selon l’OMS, les cas de Covid-19 ont augmenté pendant cinq semaines consécutives depuis le 3 mai. Au 20 juin, l’Afrique avait enregistré environ 474 000 nouveaux cas.
En cause, notamment, la propagation sur le continent des différents variants du Covid-19. Les Alpha et Bêta sont présents, respectivement, dans 30 et 29 pays du continent. Le variant Delta, repéré une première fois fin mai dans la ville de Kisumu, au Kenya, circule quant à lui dans 14 pays.
« L’arrivée du variant Delta, considéré comme plus contagieux, est particulièrement inquiétante », réagit auprès de France 24 Jean-Marie Milleliri, épidémiologiste et spécialiste de Santé publique et tropicale. « Il va falloir être vigilant, notamment dans des pays où les systèmes de santé peuvent rapidement être dépassés. »
Une réalité disparate
En réalité, les situations sont très contrastées d’un pays à un autre. En Afrique du Nord, selon les données récoltées par Our World in Data – qui recense les chiffres liées à la pandémie de Covid-19 dans le monde –, la Tunisie connaît une hausse importante des contaminations depuis mi-mai. Mercredi 23 juin, elle enregistrait 2 242 nouveaux cas, deux fois plus qu’un mois auparavant. À l’inverse, l’épidémie semble se contenir en Libye voisine avec un nombre de contaminations quotidiennes aux alentours de 250.
Mais c’est en Afrique australe que la situation paraît la plus préoccupante. Dans certains pays, les infections ont en effet doublé. Dans d’autres, elles affichent une hausse de plus de 50 %.
En Afrique du Sud, pays déjà bien éprouvé par la pandémie, le nombre de contaminations quotidiennes a été multiplié par cinq depuis la mi-mai. Mercredi 23 juin, on y dénombrait ainsi 12 393 nouveaux cas. Même constat en Zambie, en Ouganda ou encore en Namibie. Dans ce dernier pays, le nombre de cas quotidiens est passé de 150 cas mi-mai à 1 250 le 23 juin.
« En Afrique de l’Ouest, la situation semble se contenir même si on note aussi une tendance à la hausse dans certains pays, comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal », note par ailleurs Jean-Marie Milleliri.
« Ces données sont cependant à prendre avec précaution car elles sont dépendantes des campagnes de dépistage, parfois insuffisantes », rappelle cependant l’épidémiologiste. « Il est dans un sens normal que les chiffres en Afrique du Sud, où le système de santé est plus développé, soient plus inquiétants qu’au Mali, par exemple, où les campagnes de dépistage restent limitées. »
Dans une interview au magazine Jeune Afrique, l’épidémiologiste et docteur en informatique Abdou Salam Gueye, ancien membre du Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies, estimait que le bilan total de la pandémie pourrait être deux à trois fois plus élevé que celui officiellement recensé dans de nombreux pays africains.
Carte du nombre de morts liés au Covid-19 en Afrique © France 24
Confinement en Ouganda, nouvelles mesures au Rwanda
Pour limiter cette troisième vague, plusieurs gouvernements ont d’ores et déjà annoncé de nouvelles mesures de restrictions. Au Kenya, plusieurs comtés ont renoué avec le couvre-feu après l’apparition du variant Delta. En Ouganda, où ce variant représente désormais 97 % des cas diagnostiqués, le président Yoweri Museveni a annoncé vendredi la suspension des déplacements à l’intérieur du pays pendant six semaines et un couvre-feu de 19 h à 5 h 30 du matin.
Au Rwanda, qui avait déjà appliqué des mesures de confinement parmi les plus strictes du continent, le gouvernement a annoncé lundi l’interdiction des mariages et de tous les rassemblements.
Vacciner pour « éviter un scénario à l’indienne »
« Avec une augmentation rapide du nombre de cas et des rapports de plus en plus nombreux de maladies graves, la dernière vague menace d’être la pire à ce jour en Afrique », a insisté Matshidiso Moeti jeudi.
« Dans l’état actuel des choses, et avec la propagation des variants, on peut craindre un scénario à l’indienne », abonde Jean-Marie Milleliri. « Il est vrai que, jusque-là, l’Afrique avait été plutôt épargnée, certainement grâce à une combinaison de facteurs : la population est jeune, vit beaucoup dehors… Mais les variants pourraient changer la donne. »
En Ouganda, l’inquiétude se précise déjà. Les services de santé font actuellement face à une pénurie d’oxygène et certains hôpitaux sont déjà surchargés, relate The Guardian.
« La seule et unique solution, c’est de vacciner beaucoup plus vite », martèle Jean-Marie Milleliri. Alors que l’Afrique fait face à une pénurie de vaccins, seulement un peu plus de 1 % de la population totale a été complètement vaccinée. Jeudi 24 juin, 13,92 millions de personnes étaient entièrement vaccinées et 33,23 millions, soit 2,48 % de la population, avaient reçu au moins une dose. Des chiffres bien en deçà de la moyenne mondiale.
En Afrique, une grande disparité face à la vaccination © France 24
Là encore, les chiffres cachent de grandes disparités. Quelques États parviennent à tirer leur épingle du jeu. À grands recours de vaccins chinois, dont l’efficacité est désormais remise en cause, les Seychelles peuvent se targuer d’atteindre 71 % de vaccination. Certains pays d’Afrique du Nord affichent aussi de bons scores comme la Tunisie, où 10 % de la population a reçu au moins une dose, ou encore le Maroc, avec 26 % de primo-vaccinés.
D’autres pays sont cependant très en retard, avec moins de 2 % de leur population vaccinée. La liste est longue : le Bénin, le Burkina Faso, le Kenya, ou encore le Mozambique et le Lesotho… Au total, 25 pays sur les 54 du continent entrent dans cette catégorie.
L’OMS espère ainsi l’arrivée prochaine de vaccins à travers le dispositif international Covax. Le G7 avait par ailleurs annoncé le 11 juin vouloir fournir un milliard de doses de vaccins aux pays en difficulté.
« Outre la question de l’accès aux vaccins se pose aussi un défi logistique », explique par ailleurs Jean-Marie Milleliri. « Dans certains pays, il faut aller chercher une population rurale éloignée, isolée. »
« Sans compter qu’en Afrique, comme partout, il faut rassurer la population méfiante face aux vaccins », poursuit-il. « On voit émerger des discours sur les réseaux sociaux où certains s’étonnent des différences de traitement vis-à-vis d’AstraZeneca entre l’Afrique et l’Europe. Il y a vraiment un gros travail de communication à faire. »
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