Confrontés à une forte sécheresse et à une vague de chaleur sans précédent, les États de l’ouest des États-Unis craignent un nouvel été marqué par des feux de forêts et des pénuries d’eau. Les experts pointent du doigt le rôle du dérèglement climatique.
Des sols craquelés à perte de vue, des rivières à sec, une végétation réduite à néant et le thermomètre qui dépasse les 50 °C. L’ouest des États-Unis, en premier lieu la Californie, connaît un nouvel épisode de sécheresse aggravée par une intense vague de chaleur. Alors que l’été n’a démarré que lundi, le gouverneur de la Californie a déjà décrété des mesures d’urgence dans 41 des 58 comtés de l’État.
Mercredi 23 juin, l’AFP dévoilait les conclusions du nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Selon eux, quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement climatique sur la nature et l’humanité vont s’accélérer d’ici 2050. Or, face à la situation dans l’ouest américain, la communauté scientifique est unanime : les impacts du dérèglement climatique y sont déjà douloureusement palpables avec des conséquences concrètes pour les populations.
Une sécheresse « exacerbée par le réchauffement climatique »
Composée d’immenses plaines sèches et désertiques, « la sécheresse est un phénomène normal en Californie », rappelle Philippe Ciais, chercheur au laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement, contacté par France 24. « Nous savons d’ailleurs que la région a connu une période de sécheresse dans les années 1400, qui aurait notamment joué un rôle dans la disparition de certaines civilisations indiennes. »
« Mais toutes les études s’accordent à dire que le dérèglement climatique exacerbe le phénomène. Il rend les épisodes de sécheresse plus intenses, mais aussi plus longs », poursuit-il. Une étude publiée en 2020 dans la revue Science estimait ainsi que l’activité humaine responsable du changement climatique avait accentué l’impact de la sécheresse dans la région de 46 % entre 2000 et 2018.
Et cette année, l’épisode s’annonce particulièrement intense. Selon les dernières données mises en ligne le 17 juin par l’Observatoire de la sécheresse, 97,5 % du territoire du grand Ouest est en état de sécheresse, contre 65 % en 2020. Plus inquiétant encore, 55 % de la région est en état de sécheresse « extrême » et 27 % en situation « exceptionnelle ». À titre de comparaison, seuls 2,3 % de ce territoire étaient concernés par cette dernière catégorie en 2020.
En cause, notamment, des chutes de neige peu abondantes pendant l’hiver. Au 1er avril, qui marque traditionnellement la fin des chutes de neige, les réserves dans la Sierra Nevada voisine – source d’environ un tiers de l’eau utilisée en Californie – étaient seulement d’environ 60 % par rapport à la moyenne.
50,5 °C à Palm Springs, 47,7 °C à Phoenix
Autre source d’inquiétude : depuis le début du mois de juin, les 40 millions d’Américains de la région vivent sous une chaleur suffocante.
Plusieurs villes ont battu ces derniers jours des records de température. À Palm Springs, en Californie, le thermomètre a grimpé jusqu’à 50,5 °C. Pas moins de 47,7 °C ont été enregistrés à Phoenix, en Arizona, 42,2 °C à Sacramento, ou encore 46,6 °C à Las Vegas dans le Nevada voisin, et 53,3 °C dans la Vallée de la Mort, des températures supérieures d’environ 11 degrés par rapport aux moyennes de saison. Du jamais-vu si tôt dans l’année.
« Cette vague de chaleur est inédite, à la fois en raison de la période à laquelle elle intervient, pour son intensité et pour son étendue géographique », s’inquiète auprès du Washington Post, Deepti Singh, climatologue à l’université de Washington.
« Et cette chaleur participe encore à accentuer la sécheresse », continue Philippe Ciais. « Pour cause, elle augmente la transpiration des végétaux qui puisent donc encore plus d’eau dans le sol, jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus. »
Des pénuries d’eau
Cette sécheresse fait désormais craindre une pénurie d’eau dans les semaines à venir. Les regards se tournent notamment vers le lac Mead, plus grosse réserve d’eau du pays située sur le fleuve Colorado, à la frontière du Nevada et de l’Arizona. Il a désormais atteint son niveau le plus bas depuis sa construction dans les années 1930.
Même constat dans le nord de la Californie, au lac d’Oroville, qui fournit de l’eau potable à 27 millions d’habitants. Son niveau est actuellement 50 mètres plus bas qu’en 2019. Au total, les 1 500 réservoirs que compte l’État ne sont remplis qu’à 50 % en moyenne.
Plusieurs gouvernements ont ainsi adopté des mesures de restrictions d’eau. Une décision rarissime qui n’est pas sans conséquence pour les agriculteurs, qui dépendent pour la majorité de l’irrigation et qui fournissent une grande partie des fruits et légumes du pays.
Ainsi, au Nouveau-Mexique, les agriculteurs vivant le long du fleuve Rio Grande se sont ainsi vu interdire de planter de nouvelles cultures en 2021. D’autres ont décidé d’arracher leurs amandiers, qui représentent 80 % de la production mondiale, pour limiter leur consommation d’eau.
>> À revoir : « États-Unis : la Californie manque d’eau pour ses cultures »
« Outre les pénuries, nous risquons d’observer des coupures d’électricité », ajoute Philippe Ciais. « Avec cette chaleur, la consommation d’électricité, notamment pour utiliser les systèmes de climatisation, augmente drastiquement et, bien souvent, les installations électriques ne tiennent pas », explique-t-il.
En 2020, la Californie avait en effet échappé de justesse à une coupure totale de son réseau électrique. Ce dernier était particulièrement surchargé par la demande de la population, mais aussi fragilisé par les fortes chaleurs. Le California Independent System Operator, qui gère la majorité du réseau, avait déclaré un état d’urgence et demandé aux habitants et entreprises de réduire au maximum leur consommation d’électricité.
Déjà des dizaines de feux de forêts
« Enfin, il ne faut pas oublier que ces conditions climatiques sont parfaitement propices aux feux de forêts », continue le scientifique. Ces derniers, qui sont devenus systématiques chaque été dans la région, ont déjà repris. Fin mai en Californie, les incendies avaient déjà consumé cinq fois plus de végétation que l’an dernier à la même époque.
En 2020, plus de 1,6 million d’hectares de forêt (4 % de l’État) sont partis en fumée et quelque 10 % des séquoias présents dans le monde ont été ravagés par les flammes. « Ils détruisent des milliers d’arbres, parfois des pans de forêts entiers. Or, les arbres jouent un rôle majeur pour rafraîchir l’atmosphère, c’est un cercle vicieux », déplore le scientifique.
« Sans compter qu’ils dégradent fortement la qualité de l’air, avec des conséquences néfastes sur la santé des populations », continue-t-il. Chaque été, certaines communes californiennes enregistrent des niveaux de qualité de l’air parmi les plus mauvais de la planète, égalant certaines mégalopoles asiatiques comme New Delhi ou Bangkok. Selon le Woods Institute for the Environment, environ 3 000 personnes sont mortes à l’été 2020, à cause de la détérioration de la qualité de l’air.
Pour Philippe Ciais, la Californie est ainsi un exemple de la nécessité de parvenir à baisser les émissions de gaz à effets de serre, condition sine qua non pour « limiter les dégâts ». Et de rappeler : « L’État s’est engagé à réduire à 80 % ses émissions de CO2 en misant sur les énergies renouvelables ».
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