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En Tunisie, la crise sur tous les fronts

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Des jeunes manifestent contre les violences policières à Sidi Hassine, dans la banlieue ouest de Tunis, le 12 juin 2021. FETHI BELAID / AFP

Ces derniers jours, tandis que les chaleurs estivales attiraient les premiers baigneurs sur les plages tunisiennes, les photos et vidéos de la situation sanitaire à Kairouan, dans le centre du pays, ont provoqué une onde de choc. Partagées sur les réseaux sociaux, elles montrent des médecins épuisés face à l’afflux de patients atteints du Covid-19, des malades amenés en urgence à l’hôpital sur des charrettes, des services municipaux débordés par les enterrements et des manifestants réclamant à grands cris la démission du gouverneur.

Avec un taux de positivité de 50 % et une campagne vaccinale encore embryonnaire, la région subit de plein fouet la troisième vague de Covid-19, comme trois autres gouvernorats situés dans le nord. Le gouvernement y a décrété un nouveau confinement général pour une semaine, à compter de lundi 21 juin.

La situation à Kairouan met en exergue les défaillances de la gestion de la crise sanitaire, de plus en plus critiquée, dans un contexte politique et social explosif. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Lorsque [le chef de gouvernement] Hichem Mechichi est entré en fonction [en septembre 2020], le pays comptait quelques centaines de morts du Covid-19. Aujourd’hui, nous sommes à près de 14 000 morts. Il faut se demander pourquoi nous avons échoué depuis cinq mois à stopper cette troisième vague », questionne l’analyste politique Mahdi Elleuch.

Certains mettent cause la lenteur de la campagne de vaccination, commencée mi-mars mais soumise aux aléas de l’approvisionnement, avec d’importants retards dans les livraisons de doses.

« Un gouvernement aux abois »

La résurgence dramatique de la pandémie n’est qu’un des aspects de la crise multiforme qu’affronte aujourd’hui le gouvernement tunisien. Hichem Mechichi avait également été critiqué, en janvier, pour sa gestion des manifestations de jeunes des quartiers populaires dans le pays contre le chômage et la hausse des prix, qui avait mené à près de 2 000 arrestations.

Or, depuis quelques jours, le chef du gouvernement, par ailleurs ministre de l’intérieur par intérim, doit faire face à la colère des habitants de Sidi Hassine, dans la banlieue ouest de Tunis. Le décès d’un jeune dans des circonstances non élucidées lors de son interpellation par la police et la vidéo d’un autre jeune, tabassé et dénudé par des policiers dans le même quartier, ont soulevé une vague d’indignation au sein de la société civile.

Pour le sociologue Aziz Krichen, ces incidents à répétition entre police et citoyens témoignent d’un « gouvernement aux abois, acculé par des problèmes financiers pour boucler le budget 2021 et qui doit se plier aux desiderata des bailleurs de fonds. Il prépare des réformes impopulaires et tente donc d’écraser toute forme de résistance ».

Les autorités sont en négociation avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir un prêt de 3,3 milliards d’euros. Tunis doit aussi commencer à rembourser les échéances d’autres emprunts à partir de cet été, alors que le pays ne voit toujours pas le bout de la crise économique.

Trouver une sortie de crise

Parallèlement, la relation avec le pouvoir législatif – notamment l’opposition – ne cesse de se tendre. Mi-juin, la présidence du gouvernement a porté plainte pour violences contre la députée Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, et d’autres membres de sa formation. Ceux-ci avaient interrompu les auditions de ministres en séances plénières en s’époumonant dans des mégaphones.

Un coup d’éclat prolongeant plusieurs mois d’esclandres dans l’hémicycle et de sit-in devant le Parlement pour demander la démission de Rached Ghannouchi, président du Parlement et leader du parti islamiste Ennahda, ainsi que celle du chef du gouvernement.

Fragilisé, Hichem Mechichi peine à trouver des alliés pour maintenir le cap dans un pays où neuf chefs du gouvernement différents se sont déjà succédé depuis la révolution de 2011. Même le président de la République, Kaïs Saïed, est en conflit ouvert avec lui depuis un remaniement ministériel en janvier qu’il désapprouve. Malgré ces divergences, le chef de l’Etat a réuni le 15 juin Hichem Mechichi et trois anciens chefs du gouvernement pour tenter de trouver une sortie de crise.

Quelques jours plus tard, le puissant syndicat de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) est monté au créneau, accusant Kaïs Saïed de proposer sa propre feuille de route et de court-circuiter le dialogue national, une initiative du syndicat en pause depuis six mois faute d’un accord au sein de la classe politique. La présidence a aussitôt réagi, parlant d’un malentendu, sans pour autant dissuader l’UGTT d’appeler à des élections anticipées.

Dans cette situation politique « ubuesque », comme la dépeint Aziz Krichen, la démocratie semble à bout de souffle. « Chacun se dit désormais victime d’un complot », qui menacerait les fondements du système, note le sociologue. Lors de la réunion du 15 juin, le chef de l’Etat a ainsi dénoncé une machination visant à le destituer ou à l’assassiner. Cette déclaration a entraîné l’ouverture d’une enquête par la justice.

En janvier 2021, le président avait déjà affirmé avoir été la cible d’une tentative d’assassinat par l’envoi d’une lettre empoisonnée. Le pli suspect ne contenait finalement aucune substance toxique selon l’enquête menée par le ministère public. Début juin, des membres du parti Ennahda ont aussi assuré que Rached Ghannouchi avait reçu des menaces de mort.

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