C’est une première dans l’histoire politique suédoise. Le premier ministre, le social-démocrate Stefan Löfven, a été renversé lundi 21 juin par un vote de défiance au Parlement, qui lui donne une semaine pour soit présenter sa démission soit convoquer de nouvelles élections.
La raison ? Un projet, encore préliminaire, de réforme des loyers encadrés, un des totems du Parti social-démocrate suédois (SAP), qui y voit un des piliers du modèle social national, malgré un marché locatif complètement saturé. La proposition, qui figure dans l’accord de gouvernement dit « de janvier » noué début 2019, prévoit des loyers libres pour les nouvelles constructions, et donc des locations plus chères. Lors de la présentation de l’accord, « de nombreux commentateurs avaient souligné que la libéralisation du marché du logement était une bombe à retardement », souligne Anders Sannerstedt, politologue à l’université de Lund.
Les dissensions ont éclaté jeudi, quand le Parti de gauche (V) avait annoncé son intention de voter la défiance. Les compromis de dernière minute auront été vains : dimanche, le gouvernement a tenté une ultime manœuvre pour tenter de désamorcer la crise, en proposant d’ouvrir des négociations avec les organisations de bailleurs.
Mais la chef du V, Nooshi Dadgostar, a affiché une fin de non-recevoir, jugeant le recul insuffisant. « Mon sentiment est qu’il y a un manque très fort de sens du compromis quand on ne peut pas renoncer à un seul point pour éviter une crise gouvernementale », a-t-elle affirmé lundi matin peu avant le vote.
Onze votes de défiance infructueux dans l’histoire
Conséquence d’un revirement la semaine dernière du Parti de gauche, jusque-là appui ponctuel de l’exécutif, la censure du chef de gouvernement a été soutenue par une majorité absolue de 181 députés sur 349 sièges, selon le résultat du vote. Pour faire tomber le gouvernement, toutes les voix de l’ex-parti communiste sont venues se mêler à la totalité de celles de l’extrême droite des Démocrates de Suède ainsi que de la droite – parti conservateur des Modérés et Chrétiens-démocrates.
Après onze votes de défiance infructueux dans l’histoire politique suédoise, Stefan Löfven, qui s’était jusqu’ici distingué par sa capacité à survivre aux crises politiques, devient le premier chef du gouvernement renversé de la sorte. Ce dernier a convoqué une conférence de presse à 11 h 30.
L’ancien syndicaliste de la métallurgie, au pouvoir depuis 2014, a désormais une semaine pour soit annoncer des élections anticipées en pleine période estivale, soit démissionner pour de bon. Il laisserait alors au président du Parlement la charge d’ouvrir des négociations avec un parti pour trouver un nouveau premier ministre… qui pourrait toutefois être de nouveau Stefan Löfven, soulignent des analystes.
Subtilité de la Constitution suédoise : en cas d’élections anticipées, elles s’ajouteraient au scrutin prévu en septembre 2022, ce qui entraînerait deux législatives en un peu plus d’un an. « Pendant longtemps, le gouvernement minoritaire a semblé pouvoir tenir jusqu’à la fin du mandat, mais les divergences inhérentes à la base du gouvernement sont finalement devenues trop importantes », a souligné Mats Knutson, analyste politique de la télévision publique suédoise.
Un départ pour un retour ?
« Placer la Suède dans une grave crise politique en ce moment n’est pas ce dont notre pays a besoin », avait plaidé M. Löfven dimanche. En place depuis janvier 2019 après quatre mois de tractations qui ont suivi les élections de 2018, son gouvernement de centre-gauche regroupe les Sociaux-Démocrates et les Verts. Pour s’assurer une majorité, il avait conclu un accord avec deux autres partis – le Parti du centre et les Libéraux – avec le soutien, moins net, du Parti de gauche, qui avait déjà lancé des ultimatums restés sans lendemain.
Quel scénario pour la suite ? « Je pense que [Löfven] va démissionner », anticipe Anders Sannerstedt. Selon lui, « personne ne veut d’une élection supplémentaire » et « les Sociaux-Démocrates y perdraient pas mal de voix, selon les derniers sondages ». Une autre option serait que le leader des Modérés, Ulf Kristersson, qui a ouvert la porte ces derniers mois à des discussions avec les Démocrates de Suède, soit chargé de former une majorité.
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