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Dans le nord du Nigeria, des écoles coraniques se mettent à l’anglais et au calcul

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Des élèves de l’école primaire coranique Asasul Qu’ran à Kano, le 26 mai 2021. LIZA FABBIAN

Les chants des enfants résonnent le long des couloirs sans électricité de l’école primaire coranique Asasul Qu’ran, située dans le quartier de Jakara, à Kano, dans le nord du Nigeria. Entre les murs recouverts de dessins, une trentaine de jeunes élèves scandent les jours de la semaine en anglais, sous le regard ravi de leur enseignante, Hauwa’u Abbas Umar.

« Tout a changé ici ces dernières années, depuis qu’on a introduit dans le programme l’anglais et le calcul, et une méthode d’apprentissage centrée autour de l’enfant », se félicite la maîtresse dans un anglais hésitant. Elle-même a été sélectionnée pour bénéficier d’une formation aux méthodes d’alphabétisation et de calcul de base, dispensée dans le cadre du programme Educate a Child, de l’Unicef.

Dans son bureau qui surplombe les toits serrés du quartier de Jakara, le proviseur Hashimu Rabiu Sharifai affiche le même enthousiasme pour le soutien apporté à son école par le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qu’il s’agisse de la formation des professeurs ou du don d’uniformes et de livres pour encourager les petites filles à continuer à aller en cours. Elles sont d’ailleurs majoritaires dans cette école de quartier qui accueille en tout 374 élèves.

« Beaucoup de parents veulent scolariser leurs enfants dans des écoles islamiques pour des raisons de moralité et de respect de la religion », explique cet homme jovial. « Il y a aussi moins d’élèves ici que dans les écoles gouvernementales où 150 enfants s’entassent parfois dans une même classe », poursuit-il.

Quelque 13 000 écoles coraniques

Les écoles coraniques sont effectivement plus nombreuses que les structures publiques dans cette région à dominante musulmane. Gratuites, elles sont aussi plus accessibles pour les familles. L’Unicef en dénombre au minimum 13 000 à travers tout l’Etat de Kano et estime que plus d’un million d’enfants fréquente ces établissements.

Le système éducatif islamique est pourtant loin d’être homogène, avec des écoles coraniques centrées uniquement sur la récitation du Coran et des écoles islamiques modernisées, dans lesquelles d’autres enseignements religieux sont intégrés.

Fin mai 2020, en pleine pandémie de coronavirus, le gouverneur de Kano a en outre annoncé l’interdiction des écoles almajiri, très répandues dans le nord du Nigeria. Ces écoles coraniques, qui échappent totalement au contrôle des autorités, sont régulièrement épinglées pour les sévices infligés à leurs jeunes élèves, souvent venus d’autres régions dans le sillage de leur malam, leur maître coranique faisant office d’instituteur, et contraints à la mendicité pour survivre.

Face à l’omniprésence des structures religieuses, le grand défi est de rendre accessible les matières basiques de l’éducation formelle. « Le plus simple est de laisser les enfants dans leur environnement et d’essayer d’y introduire des mathématiques ou de l’anglais », souligne Muntaka Mukhtar Mohammed, spécialiste éducation pour le bureau de l’Unicef à Kano.

Plus de 10 millions d’enfants non scolarisés

L’organisation onusienne a lancé en 2018 un programme pour encourager « l’intégration » des écoles islamiques dans le système éducatif formel. « L’enseignement religieux classique demeure, mais il y a aussi un espace pour apprendre d’autres choses », explique Muntaka Mukhtar Mohammed.

Il y a urgence. A travers le monde, un enfant non scolarisé sur cinq est nigérian. Dans le nord du pays le plus peuplé d’Afrique, plus de 10,5 millions d’enfants ne sont pas scolarisés, même si l’éducation est en principe gratuite et obligatoire. Et les filles sont particulièrement concernées, puisque plus de la moitié d’entre elles ne vont pas à l’école dans la région de Kano.

La méfiance vis-à-vis de l’éducation « occidentale » est bien ancrée dans les esprits, et ce depuis l’époque coloniale et l’arrivée des missionnaires chrétiens. « Les gens sont persuadés qu’en envoyant leurs enfants à l’école publique, ceux-ci vont être convertis au christianisme », regrette Muntaka Mukhtar Mohammed.

Nouer un lien de confiance avec les enseignants et les propriétaires d’écoles coraniques est donc une priorité et certaines expériences se révèlent déjà concluantes. Dans son petit bureau encombré de documents, Wasilu Adamu affiche ainsi sa satisfaction. « Les enfants ont un meilleur niveau aujourd’hui qu’avant la mise en place de cette formation », se félicite ce proviseur à la tête d’une école islamique dans la ville de Dambatta, à 70 kilomètres au nord de Kano. Cette ville de 200 000 habitants compte facilement trente écoles coraniques pour une seule école gouvernementale.

Cibler les filles

« Nos élèves comprennent mieux ce que nous leur apprenons et mémorisent plus rapidement », abonde Mustapha Hadi Sabiu, l’un des professeurs ayant suivi cette formation, avant de résumer en riant : « Maintenant, ils apprennent bien le Coran et ils comprennent bien l’anglais ! » En 2020, 72 élèves de cette école primaire – qui en compte plus de 590 – ont pu poursuivre leur cursus au collège. Et certains parents rêvent désormais de les voir un jour étudier à l’université de la grande ville de Zaria, plus au sud.

Deux professeurs par établissement ont été sélectionnés dans 420 écoles de l’Etat de Kano pour recevoir la formation de six jours délivrée par l’Unicef. D’autres sont placés dans les écoles coraniques par le gouvernement local. « Mais comme il y a déjà un manque de professeurs dans le système classique, certains sont de simples volontaires, non qualifiés, mais capables de conduire l’enseignement », détaille Muntaka Mukhtar Mohammed.

L’objectif reste de pouvoir offrir une éducation de base au plus grand nombre en parvenant à tisser des liens entre les autorités locales et les différentes communautés. Et de cibler particulièrement les filles qui, lorsqu’elles sont scolarisées, le sont essentiellement dans ce type d’établissements.

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