Frapper au porte-monnaie pour faire pression. « Ça n’arrive pas tous les jours mais l’Union européenne est sur la même ligne. On avait fixé la ligne au sommet européen et aujourd’hui nous allons transformer l’essai », avait prévenu le chef de la diplomatie du Luxembourg, Jean Asselborn. Les Européens ont ainsi décidé, lundi 21 juin, de couper d’importantes sources de revenus du régime biélorusse pour sanctionner le déroutement d’un vol de la compagnie Ryanair afin d’arrêter un journaliste et ont examiné le soutien à apporter à la société civile lors d’une réunion à Luxembourg.
La décision a été approuvée « à l’unanimité » lors d’une réunion des ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept, ont déclaré deux participants. « On a des sanctions qui visent les personnes. Et maintenant nous avons des sanctions dans sept secteurs économiques, des armes au tabac, jusqu’aux engrais, c’est-à-dire le potassium », a précisé M. Asselborn. « Ce sont des mesures qui vont affecter massivement la Biélorussie et les revenus de l’Etat et donc les fonds dont dépendent Loukachenko et son régime », a souligné quant à lui le ministre allemand Heiko Maas.
Les ministres se sont d’abord entretenus avec l’opposante en exil Svetlana Tsikhanovskaïa, arrivée dimanche soir à Luxembourg. Ils ont ensuite commencé leur réunion avec l’approbation de l’ajout de 78 noms et de 8 entités à la liste des responsables biélorusses sanctionnés pour la répression de l’opposition.
Sept personnes et une entité sont directement impliquées dans le déroutement d’un vol de Ryanair le 23 mai pour arrêter deux de ses passagers, le journaliste dissident biélorusse Roman Protassevitch et son amie russe Sofia Sapega. Ils ont ensuite confirmé l’accord politique trouvé vendredi entre les capitales sur les secteurs clés économiques visés.
Couper les importations de certains produits
Le détournement du vol Ryanair a été « le déclencheur », a confirmé un autre diplomate européen. « L’UE sanctionne un acte de piraterie aérienne, selon Jean Asselborn. Personne ne s’attendait à ce qu’on aille aussi loin. (…) Le régime doit être conscient que l’UE a des leviers et qu’elle est prête a d’autres sanctions. »
L’UE va cesser ses importations pour certains types de potasse et ses importations de produits pétroliers produits en Biélorussie ou réexportés depuis l’ex-république soviétique comme le diesel, ont confié plusieurs sources. Seront également interdits d’exportation les produits pour les usines de tabac, a-t-on précisé.
Les sanctions vont également interdire tout nouveau prêt bancaire à l’Etat, à la banque centrale et aux banques et entités détenues en majorité par l’Etat. Il sera également interdit de vendre certains produits financiers, notamment des titres de valeur mobilière, des services d’investissement et des produits d’assurances. L’UE va aussi renforcer son embargo sur les armes pour y inclure celles de chasse et de sport, et interdire la vente de biens à double usage et du matériel de surveillance.
« Pas une solution miracle »
Svetlana Tsikhanovskaïa à Luxembourg, le 21 juin 2021. JOHANNA GERON / AP
« Les sanctions ne sont pas une solution miracle, mais elles peuvent aider à mettre fin à la violence et à libérer les gens », a commenté Svetlana Tsikhanovskaïa sur son compte Twitter.
Sanctions aren’t a silver bullet, but they can help to end violence & release people. Had an enlightening conversat… https://t.co/QBpsIZDJ2P
— Tsihanouskaya (@Sviatlana Tsikhanouskaya)
« Elles sont un moyen de faire pression sur le gouvernement de la Biélorussie et elles vont faire mal », a, pour sa part, assuré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Les sanctions imposées à 78 personnes et à 8 entités sont individuelles. Les responsables visés seront interdits de séjour et leurs avoirs dans l’UE seront saisis. Il sera en outre interdit d’accorder des financements européens aux entités concernées. L’UE a déjà sanctionné 88 membres du régime, dont le président Alexandre Loukachenko et son fils. Mais ces sanctions individuelles ont surtout eu pour conséquences d’accentuer la répression. « La situation ne cesse de se détériorer », a commenté un diplomate européen.
Avec les sanctions économiques, les dirigeants de l’UE espèrent faire plier le régime. Certains veulent aller plus loin et combattre le sentiment d’impunité du président biélorusse. « J’espère personnellement qu’un jour Loukachenko rendra des comptes devant un tribunal international, parce qu’il commet des choses horribles », a commenté Jean Asselborn.
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