Priyanka et Sonia (les prénoms ont été changés) sont encore sous le choc. Début mai, il n’a fallu que quelques jours au Covid-19 pour emporter la mère des deux jeunes filles et faire basculer leur vie. La santé de leur maman, une ouvrière agricole, s’est détériorée brutalement le 5 mai. « Sa température grimpait, elle avait le souffle court », se souvient la cadette, Priyanka. La mère de famille est morte le jour même, dans l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital, situé à trente kilomètres de leur village de l’Etat du Telangana, dans le sud du pays. Déjà orphelines de père, Priyanka, 16 ans, et Sonia, 19 ans, se sont retrouvées livrées à elles-mêmes.
Depuis le début de la pandémie, de nombreux enfants indiens ont perdu au moins un parent. Selon les données collectées par la Commission nationale de protection des droits de l’enfant, 3 621 sont devenus orphelins de leurs deux parents dans le pays depuis le 1er avril 2020, et 26 176 autres ont perdu un de leurs deux parents.
La pandémie n’est pas uniquement une crise sanitaire mais aussi une « crise des droits de l’enfant », selon l’Unicef. « Ces enfants ne vivent pas seulement une tragédie émotionnelle, ils courent aussi un risque élevé de négligence, d’abus et d’exploitation », met en garde Yasmin Ali Haque, la représentante de l’organisation en Inde.
Dans le cas de Priyanka et de Sonia, c’est un habitant de la localité qui a tiré la sonnette d’alarme. L’informateur, anonyme, a averti Bachpan Bachao Andolan (« Sauver le mouvement de la jeunesse »), l’ONG du militant des droits de l’enfant Kailash Satyarthi, prix Nobel de la paix 2014. « Nous avons immédiatement prévenu les autorités, puis nous avons apporté aux deux filles des provisions, avant d’évaluer leur situation en matière de sécurité et de protection », indique Venkateshwarlu Ande, qui coordonne les activités de l’organisation dans la région.
Offres illégales dissimulant des pièges
Lorsque des offres d’adoption illégales ont commencé à apparaître sur les réseaux sociaux au début de mai 2021, l’Inde a soudain pris conscience de la grande vulnérabilité des enfants devenus orphelins à cause du Covid-19.
Certaines annonces sont glaçantes. « Petite fille de 2 ans, bébé garçon de 2 mois… Père et mère morts du Covid. Si quelqu’un est intéressé par une adoption (…) Enfants brahmanes », peut-on lire sur un message WhatsApp ayant largement circulé, faisant référence à la caste hindoue des brahmanes, considérée comme supérieure à toutes les autres. Adopter ou faire adopter des enfants en dehors des circuits officiels est illégal, et la ministre des femmes et du développement de l’enfant, Smriti Irani, a mis en garde le 4 mai contre ces offres qui dissimulent « des pièges ».
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