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RDC : « Près 80 000 personnes sont désormais privées de soins suite à l’attaque d’un hôpital en Ituri »

Sur la route reliant Mangina à Béni, en Ituri, le 23 août 2018, pendant une épidémie d’Ebola. JOHN WESSELS / AFP

Un hôpital de la zone de santé de Boga, dans la province congolaise de l’Ituri, a été incendié par un groupe armé, lundi 7 juin. Depuis, des milliers de personnes se retrouvent aujourd’hui privées de soins médicaux. Frédérick Lai Manantsoa, chef de mission Médecin sans frontières à Boga dénonce l’insécurité grandissante dans cette province placée en état de siège depuis plus d’un mois.

Dans quelles circonstances a été perpétrée l’attaque contre l’hôpital de Boga ?

Dans cette zone, deux conflits se superposent depuis des années : d’un côté, les ADF (les Forces démocratiques alliées, un groupe rebelle islamiste à l’origine ougandais) mènent de brutales incursions. De l’autre, on constate de fortes tensions intercommunautaires. Tout cela reste flou. Le 7 juin vers 13 heures, l’hôpital a été pillé et incendié lors d’un affrontement. On ne sait toujours pas qui l’a commis, mais on connaît le bilan : cinquante civils ont perdu la vie. Le personnel de l’hôpital et les patients, eux, ont réussi à s’enfuir à temps. Des milliers d’habitants ont aussi pris la route.

Quelles sont les conséquences sanitaires d’une telle attaque ?

Nous avions terminé de construire cet hôpital en septembre 2020, après trois ans de travaux. Il comptait soixante lits et représentait la seule structure opérationnelle dans cette zone de santé. Nous sommes très inquiets car les 80 000 personnes qui en dépendent se retrouvent aujourd’hui privées de soins. Nous sommes également atterrés par le non-respect du droit humanitaire, international et par la violation de la neutralité d’une structure sanitaire. On lance un appel à toutes les parties du conflit y compris le gouvernement congolais afin que soit protégée l’inviolabilité des structures sanitaires, de leur personnel et des ambulances.

La province de l’Ituri, comme le Nord-Kivu, est placée en état de siège depuis plus d’un mois afin de mettre fin aux atrocités commises contre les civils par des groupes armés. Comment expliquez-vous la persistance des attaques malgré le renforcement des pouvoirs des militaires ?

Pour nous, la solution à ces conflits ne peut être uniquement militaire. En tant qu’acteur humanitaire, nous observons les profondes fractures sociales qui divisent les communautés. Une peur s’est installée. Certains renoncent à aller se faire soigner à l’hôpital car ils ne s’y sentent pas en sécurité. Ils restent chez eux ou consultent un tradipraticien. Les besoins dans la province de l’Ituri sont aujourd’hui colossaux. Nous, humanitaires, ne pouvons répondre aux frustrations nées de problèmes sociaux, au chômage massif. C’est un problème de fond qui demande des mesures également sociales et économiques.

Le président congolais Félix Tshisekedi est en tournée dans l’Est depuis plusieurs jours pour évaluer la situation sécuritaire. Il est arrivé à Bunia, le chef-lieu de l’Ituri jeudi 17 juin. Face à cette flambée de violence, quel message lui adressez-vous ?

Je me réjouis qu’il fasse cette tournée, c’est un bon signe. Cela lui permettra de prendre la mesure de la gravité de la situation. Il y a actuellement 1,5 million de déplacés en Ituri, 2,5 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire selon un rapport selon OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), soit un tiers de la population. Aujourd’hui, la RDC est le deuxième pays après la Syrie en termes de déplacés internes.

Par ailleurs, de plus en plus de femmes victimes de violences sexuelles viennent dans nos structures. Malgré les financements des bailleurs internationaux, malgré les efforts des acteurs humanitaires, la situation continue de se dégrader.

L’Ituri est aujourd’hui la première province en urgence humanitaire en RDC. Nous demandons au président de rappeler à toutes les parties de respecter l’inviolabilité des structures sanitaires dans cette zone de conflit.

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