Editorial du « Monde ». La République islamique d’Iran a opté pour un verrouillage sans précédent de l’élection présidentielle du 18 juin. Pour la première fois depuis l’élection du réformateur Mohammad Khatami en 1997, le scrutin s’est tenu sans véritable compétition. Les candidatures des principales figures réformatrices du pays, ainsi que de personnalités conservatrices, avaient été invalidées en amont par le Conseil des gardiens de la Constitution, dans le but d’assurer au chef de l’autorité judiciaire, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, une victoire sans encombre.
Ce faisant, le régime a rompu avec une tradition qui offrait jusqu’alors un semblant d’exercice démocratique lors du scrutin présidentiel, dans un face-à-face entre deux camps : les partisans des réformes, favorables à une ouverture dans la société et vers le monde, contre les partisans de la révolution islamique, tenants d’une ligne antioccidentale et d’une plus grande limitation des libertés en Iran. A 82 ans, le Guide suprême, Ali Khamenei, organise sa succession. Il la souhaite sans remous, sans luttes intestines. Et, le président élu, Ebrahim Raïssi, 60 ans, est l’un des candidats probables.
Forte abstention
Lors de cette élection, la voix des Iraniens n’a pas été entendue. Ils ont été nombreux à ne pas aller voter – 52 % se sont abstenus selon des résultats partiels publiés le 19 juin au matin –, du fait du verrouillage de l’élection, mais aussi parce qu’ils ne croient plus possible de réformer le système politique par les urnes. L’élection d’Ebrahim Raïssi ne devrait certes pas avoir d’incidence dans les négociations en cours sur le dossier nucléaire, qu’une majorité d’Iraniens soutient. Le rétablissement des sanctions internationales sous l’ancien président Donald Trump est loin d’avoir affaibli le régime iranien, mais a aggravé les conditions de vie de la population, amené au décrochage économique de millions de personnes et affaibli la classe moyenne, moteur du changement dans le pays. En campagne, Ebrahim Raïssi a dit son intention d’honorer l’accord conclu en 2015 avec la communauté internationale, sur les consignes du Guide suprême. Ce dernier est déterminé à sauver l’accord nucléaire pour obtenir en retour une levée des sanctions et une relance économique.
Mais l’élection d’Ebrahim Raïssi pourrait être lourde de conséquences pour les Iraniens qui appellent à plus de droits et de libertés. Leurs revendications – la liberté de la presse, le droit de vivre dans la dignité, le respect de la méritocratie dans l’accès aux postes publics, la transparence du pouvoir et la détente avec le monde – n’ont pas pu s’exprimer lors du scrutin du 18 juin. Les Iraniens paient un lourd tribut chaque fois qu’ils tentent de se faire entendre, que ce soit lors des manifestations – dont les dernières en 2019 ont été réprimées dans le sang – ou par des actions pacifiques.
Ebrahim Raïssi détient un triste bilan en matière de droits humains.En 1988, alors qu’il n’avait que 28 ans, Il a été l’un des quatre juges qui ont décidé de la vie et de la mort de milliers de prisonniers politiques. Ebrahim Raïssi a toujours fait preuve de loyauté envers la machine répressive de la République islamique d’Iran, en jouant un rôle-clé dans les plus grands dossiers de la violation des droits humains. Sous son règne à la tête de l’autorité judiciaire (2019-2021), l’arrestation des militants politiques et leur condamnation à de lourdes peines de prison sont devenues la règle. L’élection d’Ebrahim Raïssi à la présidence est une très mauvaise nouvelle pour la société civile iranienne.
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