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Climat : après l’Affaire du siècle, une plainte pour mettre l’exécutif devant ses “responsabilités”

Publié le : 19/06/2021 – 12:58

Pour la première fois en France, une plainte a été déposée à la Cour de justice de la République contre cinq ministres pour ‘ »inaction » climatique. Les militants écologistes Camille Étienne et Cyril Dion ainsi que l’eurodéputé Pierre Larrouturou accusent Jean Castex et quatre ministres de s’être « abstenus volontairement » d’agir pour lutter contre le « sinistre » du réchauffement climatique.

L’eurodéputé Pierre Larrouturou (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) et les militants pour le climat Camille Étienne et Cyril Dion, ont déposé plainte contre le Premier ministre Jean Castex et quatre ministres : Barbara Pompili (Écologie), Bruno Le Maire (Économie) et les ministres délégués Jean-Baptiste Djebbari (Transports) et Emmanuelle Wargon (Logement).

Les plaignants les accusent « d’inaction » face au dérèglement climatique, décrit comme un « sinistre ». Cet immobilisme est aussi jugé responsable « d’un danger pour la sécurité des personnes » par les auteurs de la plainte.

Le texte a été transmis mercredi à la Cour de Justice de la République (CJR), une institution destinée à juger les membres du gouvernement pour les actes délictueux ou criminels commis dans l’exercice de leur fonction. Les ambitions des auteurs de la plainte sont élevées : le texte s’appuie sur l’article 223-7 du Code pénal qui punit l’abstention de combattre un sinistre de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. 

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Composée de 68 pages, la plainte analyse de façon exhaustive les symptômes du dérèglement climatique, en pointant la hausse des émissions de gaz à effet de serre, la déforestation au Brésil, les feux de forêts et la sécheresse aux États-Unis, les canicules ou encore la hausse de la température mondiale. 

« Les climatologues sont très inquiets. Notre pays court à la catastrophe et nos ministres se comportent de façon irresponsable. Il faut les mettre personnellement face à leurs responsabilités », s’indigne le socialiste Pierre Larrouturou, contacté par France 24. 

Dans le viseur des trois écologistes : « l’insuffisance manifeste du projet de loi climat », qui résulterait des « renoncements » des ministres durant l’examen du texte, en première lecture au Sénat jusqu’au 29 juin.

Accusés de « castrer une grande partie des propositions » de la Convention pour le climat

« Ces ministres ont décidé de castrer une grande partie des propositions » de la Convention citoyenne pour le climat, dénonce Pierre Larrouturou. Celle-ci a réuni 150 Français tirés au sort en 2019 pour élaborer le projet de loi climat, qui devait contenir des mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). 

Mais seule une partie des 146 propositions de la Convention a été retenue par le président. Certains de ses membres ont ainsi dénoncé des propositions « détricotées » par l’exécutif alors qu’Emmanuel Macron avait promis de reprendre « sans filtre » les propositions « abouties et précises ». 

La plainte à la CJR s’appuie sur le même argumentaire, dénonçant des ministres qui ont « délibérément décidé de ne pas retenir l’essentiel des solutions venant des 18 mois de travail de la Convention citoyenne ». 

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Cette plainte s’inscrit dans un contexte global en Europe : en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, des militants ont eux aussi accusés leurs gouvernements respectifs de ne pas être assez ambitieux face à l’urgence climatique.

En France, l’État a déjà été attaqué en justice pour ce motif. La dernière affaire en date est celle portée par le collectif d’ONG environnementales l’Affaire du siècle. Le tribunal administratif de Paris avait reconnu, le 3 février 2021, le préjudice écologique commis par l’État français tout en refusant une réparation. 

L’affaire Grande-Synthe, moins médiatisée, dénonçait elle aussi « l’inaction climatique » de l’État. La plainte en question a été déposée en janvier 2019 par la commune de Grande-Synthe, portait sur le littoral du Nord menacé par la montée des eaux. En novembre, dans une précédente décision déjà qualifiée « d’historique » par les plaignants, le Conseil d’État avait donné trois mois au gouvernement pour justifier ses actions.

Dernier rebondissement dans cette affaire : vendredi 6 juin, le rapporteur public a estimé que le Conseil d’État devait donner neuf mois au gouvernement pour « prendre toutes les mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre » afin de respecter les engagements de la France – la baisse 40 % des émissions à échéance 2030 par rapport aux données de 1990. Aujourd’hui, la décision du Conseil d’État se fait toujours attendre. 

Quand la justice se mêle au politique

En matière environnementale, ces procédures sont longues et complexes. Dans le cas de la plainte à la CJR, le risque d’irrecevabilité n’est pas exclu, prévient Me Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit public et en droit de l’environnement, contacté par France 24. « Faire pression sur des membres du gouvernement pour qu’ils prennent des décisions ne relève pas du juge », souligne l’avocat, qui rappelle que « le principe de la séparation des pouvoirs interdit qu’un pouvoir fasse pression sur un autre ». 

En outre, pour Me Arnaud Gossement, les requérants se trompent de cible. « Porter plainte au pénal contre des ministres nommément désignés c’est simplifier un problème complexe ». Et l’avocat de poursuivre : « Ils ne représentent que l’une des autorités compétentes en matière de changement climatique : un certain nombre d’objectifs et de moyens sont d’abord fixés au niveau européen, la loi climat et résilience est d’abord de la responsabilité du parlement et les collectivités jouent un rôle dans le changement climatique ». 

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