Ours polaires, manchots empereurs… Au delà de ces espèces emblématiques, les pôles Nord et Sud abritent une biodiversité exceptionnelle, en partie dissimulée dans les profondeurs marines. Mais celle-ci est menacée par les changements climatiques, la surpêche, le transport de marchandises ou encore le tourisme. 30millionsdamis.fr fait un tour d’horizon des enjeux.
La faune, plus que jamais en « pôle » position dans la menace que fait peser sur elle l’urgence climatique ! Océan et îles de l’Arctique au nord, continent et mers de l’Antarctique au sud : les milieux polaires représentent bien plus que de simples étendues glacées. « Les pôles abritent des écosystèmes que l’on ne trouve nulle part ailleurs », rappelle Olivier Poivre d’Arvor, philosophe, écrivain et ambassadeur des Pôles et des Enjeux maritimes, joint par 30millionsdamis.fr. La plupart des merveilles animales se dissimulent en fait… sous la surface : « Quand on met la tête sous l’eau, on ne voit rien du tout, [à part] des roches grattées par la glace. Mais lorsque l’on plonge plus bas, une richesse incroyable de la vie se dévoile. On se croirait dans un récif tropical ! », confirme Bruno David, président du Muséum national d’Histoire naturelle.
Le réchauffement climatique, 2 fois plus rapide au niveau des pôles
Les mers polaires abritent en effet une grande diversité d’espèces, souvent dotées d’une physiologie hors-normes. A l’instar de poissons dont le sang contient des protéines antigel, de divers animaux « géants » au métabolisme ralenti pour résister au froid extrême – un ver marin, la bonellie verte, y atteignant 4 mètres de long tandis qu’une étoile de mer frôle les 40 kilogrammes – ou encore, d’éponges de mer dont l’âge est estimé à… plus de 1000 ans ! Toutefois, cette biodiversité de l’Arctique et de l’Antarctique subit les conséquences des activités humaines, en particulier sur le climat. « Le réchauffement climatique est deux fois plus rapide au niveau des pôles qu’ailleurs sur la planète », relève Olivier Poivre d’Arvor.
Nous assistons à une rupture de l’écosystème, et la faune en souffre.
O. Poivre d’Arvor, ambassadeur des Pôles et des Enjeux maritimes
Eux-mêmes déjà fragilisés par les changements de température, les animaux polaires devront en plus affronter un afflux de « réfugiés climatiques » : « Au pôle Sud, d’autres animaux vont arriver depuis les régions plus au nord, devenues trop chaudes », explique Bruno David. Un phénomène qui a déjà commencé, les chercheurs ayant constaté en Antarctique la présence de crustacés « durophages » [se nourrissant de proies dures telles que des mollusques à coquille, NDLR], autrefois absents. « Nous assistons à une rupture de l’écosystème, et la faune et la flore en souffrent, alerte O. Poivre d’Arvor. Or, ce qui se passe au niveau des pôles nous renseigne sur ce à quoi nous allons devoir faire face dans les 20 années à venir. » D’où l’importance, selon l’ambassadeur, de « financer la recherche scientifique » afin de pouvoir « documenter les changements en cours. »
La France a un rôle primordial dans la préservation des milieux polaires
En tant que puissance maritime détentrice de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus vaste de la planète, la France endosse un rôle primordial dans la préservation des milieux polaires. D’autant que l’hexagone s’apprête à présider la 43ème Réunion Consultative du Traité sur l’Antarctique (RCTA), prévue à Paris du 14 au 24 juin 2021. « N’ayant pas pu le faire en 2020, il y a une attente forte des participants pour se réunir cette année, confie Olivier Poivre d’Arvor. Nous sommes un nombre croissant de pays pour qui la biodiversité de l’Antarctique est un sujet majeur. Parce que la France s’est engagée à avoir 30 % d’aires marines protégées d’ici à 2030, nous sommes particulièrement déterminés à convaincre – par tous les moyens scientifiques, diplomatiques et politiques – la Russie et la Chine sur ces questions. »
En effet, les discussions entre les pays signataires du Traité sur l’Antarctique – fêtant cette année ses 60 ans – porteront notamment sur les aires marines protégées (AMP). « Les AMP doivent permettre de protéger les milieux polaires vis-à-vis de la surpêche, en particulier celle visant le krill, ces « crevettes » minuscules dont se nourrissent nombre d’animaux tels que les manchots », explique l’ambassadeur des Pôles et des Enjeux maritimes. Or, la surexploitation de ce crustacé de l’océan Austral, utilisé pour l’aquaculture ou sous forme de complément alimentaire, expose ses prédateurs naturels à la famine. « Il ne s’agit pas d’interdire totalement la pêche, mais de la réguler et de pouvoir en contrôler les effets », précise O. Poivre d’Arvor. Si les échanges à ce sujet seront décisifs, il reviendra toutefois à la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR) d’entériner le classement des nouvelles aires de protection.
Le tourisme polaire et le transport de marchandises dans le viseur
Les nations réunies autour du Traité de l’Antarctique devront par ailleurs aborder la question du « tourisme polaire », qui concerne également le pôle Nord. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de visiteurs – principalement à bord de bateaux de croisière très polluants – viennent en effet admirer ces paysages exceptionnels « avant qu’il ne soit trop tard »… contribuant eux-mêmes à dégrader ces fragiles écosystèmes ! En 2017, plus de 100.000 visiteurs étrangers étaient attendus rien que dans les régions arctiques, selon une anticipation de France Info cette année-là, rappelant au passage que le tourisme polaire est un marché en pleine croissance, porté par les voyageurs français dont le nombre a été multiplié par trois en trois ans [période 2014/2017, NDLR].
Les pôles seront le sujet des dix années à venir.
Olivier Poivre d’Arvor
Outre le tourisme en pleine expansion, le pôle Nord en particulier « subit deux types de menaces : la militarisation de la région, et la création de la « nouvelle route du Nord » [voie maritime créée par la fonte de la banquise, NDLR] qui sera contrôlée largement par la Russie, ajoute l’ambassadeur des Pôles. Si la fonte de la banquise se poursuit au rythme actuel, cette « route » va faire passer des centaines de containers de marchandises, au risque de bouleverser les équilibres naturels. » Or, si notre pays n’intervient qu’en tant qu’observateur au sein du Conseil de l’Arctique – dont les membres sont les nations possédant des territoires arctiques : Canada, États-Unis (Alaska), Islande, Suède, Norvège, Finlande et Russie – les négociations pourraient toutefois permettre d’influencer les décisions dans cette région polaire où vivent plus de 4 millions d’habitants.
Une future « agence européenne polaire » ?
Pour sensibiliser à ces enjeux, la 1ère saison de « l’Été polaire » – initiée par le Fonds Paul-Émile Victor avec la mobilisation de quatre ministères (Transition Écologique et Solidaire, Affaires Étrangères, Mer et Outre-mer) – affiche une centaine de rendez-vous culturels, scientifiques et éducatifs jusqu’au 10 octobre 2021. Au programme : des conférences, des activités scolaires, ainsi que des expositions photographiques telles que « La banquise sens dessus dessous », accueillie simultanément dans 26 communes de l’Hexagone et d’Outre-mer (à partir du 23 juin) où s’afficheront, sur les façades de lieux emblématiques, 52 clichés grand format des célèbres photographes animaliers Laurent Ballesta et Vincent Munier. « Les pôles seront le sujet des dix années à venir. On risque de voir passer de plus en plus souvent des dépêches [de presse] au sujet de bouts d’iceberg qui se décrochent », avertit Olivier Poivre d’Arvor, chargé par le président de la République Emmanuel Macron d’élaborer une « Stratégie Nationale pour l’Arctique », cinq ans après la publication d’une première feuille de route. « La nouveauté de ma mission par rapport à mes prédécesseurs [Michel Rocard puis Ségolène Royal, NDLR] est d’avoir également en charge les enjeux liés aux mers et aux océans, ce qui offre une vision à la fois globale et puissante », explique celui qui milite pour la création d’une « agence européenne polaire » afin de « mettre en commun les ressources » entre les « pays européens possédant des territoires et/ou des stations de recherche polaires ». Pour ne pas laisser fondre tout espoir de sauvegarde !
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