Tribune. Depuis octobre 2019, le Liban fait face à l’une des pires crises économiques mondiales, sur fond de blocage politique et d’essoufflement d’un système. La pandémie de Covid-19, puis la double explosion qui a ravagé la capitale, Beyrouth, le 4 d’août 2020, ont également participé à dégrader davantage la situation morale et physique des habitants du pays. Ces crises s’empilent et se nourrissent.
De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), telles que Médecins sans frontières (MSF), sont déjà présentes dans ce pays, qui a déjà vécu plusieurs épisodes tragiques au cours des dernières décennies. Cette crise est donc loin d’être la première au Liban, mais pour la plupart de nos collègues ou de professionnels de santé libanais, le sentiment est que le pire est à venir.
Au niveau des activités de MSF, des éléments alarmants nous parviennent tous les jours : des patients malades chroniques qui ne nous demandent plus seulement des médicaments mais aussi de la nourriture, de plus en plus de Libanais qui viennent chercher des soins dans des cliniques initialement destinées aux réfugiés syriens et palestiniens, des files d’attente interminables pour bénéficier de nos services de santé materno-infantile… Les éléments palpables sur nos activités reflètent une situation globale qui n’épargne que les plus riches et qui ne fait que s’accélérer.
Une situation d’insécurité alimentaire
Le glissement du pays est vertigineux. La livre libanaise a déjà perdu 90 % de sa valeur, le prix du pain a plus que doublé en un an, le matériel et les équipements médicaux ainsi que certains médicaments ne sont plus importés ou sont bloqués dans les stocks des importateurs à cause de la spéculation, et les soins de santé sont interrompus les uns après les autres.
Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), en mai 2021, 23 % des Libanais et 50 % des Syriens réfugiés au Liban étaient dans une situation d’insécurité alimentaire. L’éventualité imminente d’une levée de subventions de la Banque centrale, à bout de fonds, risque encore d’aggraver la situation. Malgré la trop vantée résilience libanaise et la solidarité de la diaspora envers les familles restées au pays, la situation est intenable.
L’augmentation des prix, mais aussi les coupures d’électricité et les pénuries d’essence mettent également à mal le fonctionnement même des hôpitaux. Les Libanais les plus chanceux, éduqués et connectés, quittent le pays, par désespoir. Parmi les Libanais qui fuient, on trouve de nombreux médecins et infirmiers. Au mois de mai 2021, 1 300 médecins ont quitté le territoire, selon l’ordre des médecins libanais. Cela réduit encore un peu plus la possibilité de la population d’accéder à des soins de santé.
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