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A Ceuta, l’enclave de solidarité de Sabah Hamed

Par Sandrine Morel

Publié aujourd’hui à 16h15

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PortraitDans ce territoire espagnol au nord du Maroc, la cheffe d’entreprise vient en aide aux milliers de migrants, dont de nombreux mineurs, entrés massivement les 17 et 18 mai. Mais elle ne voit pas d’autres issues que leur retour au Maroc.

Sabah Hamed, 59 ans, vient d’une famille habituée à aider et à s’engager. Bernat Armangue/AP pour Le monde

« Va chercher les survêtements, ça peut leur servir pour la nuit. » « Donne-lui des chaussures à ce pauvre garçon. » « La douche est libre, celui-là peut monter. » « Tu peux mettre plus de tortilla dans le pain : ils ont faim. » Des cernes autour des yeux, Sabah Hamed, djellaba et voile noir bordé d’un ruban doré encadrant l’ovale de son visage, épuisée mais déterminée, distribue les tâches à la dizaine de voisins de Ceuta venus l’aider, ce mercredi 2 juin à midi, alternant l’espagnol et le darija, l’arabe dialectal marocain.

« Quand on les a vus, pieds nus, les habits mouillés, et parmi eux beaucoup d’enfants, comment ne pas avoir de la peine et ne pas les aider ? On a préparé 28 kilos de pâtes ce jour-là. Tout est parti… » Sabah Hamed

Cela fait alors seize jours exactement que cette cheffe d’entreprise de 59 ans offre l’ancienne maison de ses parents comme cantine, douche publique et friperie aux centaines de Marocains entrés dans l’enclave espagnole les 17 et 18 mai, après que le Maroc a délibérément facilité le passage de près de 10 000 de ses ressortissants dans un contexte de tension avec l’Espagne, qui a accueilli dans un hôpital Brahim Ghali, le chef du Front polisario, mouvement indépendantiste sahraoui. « Nous sommes dépassés par les événements : entre trois cents à quatre cents personnes viennent se doucher ici tous les jours et nous avons même donné un millier de repas vendredi dernier », souffle-t-elle.

Si l’Espagne a refoulé près de 8 000 personnes ces dernières semaines, il reste encore, outre un millier de mineurs accueillis dans des centres aménagés en urgence, des centaines de migrants marocains errant dans la ville, survivant grâce à la solidarité des habitants. « Quand ils sont arrivés, nous étions effrayés, pas par les gens eux-mêmes mais par la situation : on se demandait ce que ça signifiait que le Maroc ouvre les frontières, si ces gens venaient pour prendre la ville… explique Sabah en souriant. Et puis, quand on les a vus, pieds nus, les habits mouillés, et parmi eux beaucoup d’enfants, comment ne pas avoir de la peine et ne pas les aider ? On a préparé 28 kilos de pâtes ce jour-là. Tout est parti… »

L’aide humanitaire, une tradition familiale

Pour arriver devant l’ancienne maison familiale, dans le quartier populaire Los Rosales de Ceuta, il faut quitter le centre-ville historique aux immeubles bourgeois, façades néoclassiques et rues bien ordonnées et se diriger, derrière des murailles médiévales, vers les quartiers chaotiques de maisons colorées ponctués de minarets situés sur les collines. Ici, des dizaines de Marocains forment une file sans fin, sous un soleil de plomb.

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