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« La régulation du numérique est un enjeu trop important pour être confié à l’Organisation mondiale du commerce »

Tribune. Depuis janvier 2019, environ quatre-vingts Etats négocient en toute discrétion un accord sur la libéralisation du « commerce électronique » dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). A l’heure où la régulation des géants du numérique s’impose comme une nécessité économique et démocratique, les règles en discussion leur conféreraient au contraire encore plus de pouvoir. La prochaine conférence ministérielle de l’OMC doit être l’occasion de mettre un terme définitif à ces négociations, aussi dangereuses qu’illégales.

Les problèmes que pose la concentration inédite de pouvoir économique et politique aux mains de quelques plates-formes numériques géantes commencent à être largement documentés : abus de position dominante, évasion fiscale, atteinte à la vie privée, ubérisation du travail, campagnes de désinformation, etc.

Même aux Etats-Unis et en Chine, qui abritent à eux seuls l’écrasante majorité des plus grosses plates-formes du monde, la situation commence à inquiéter des autorités jusqu’ici réputées conciliantes. Pékin multiplie ainsi les enquêtes et les sanctions depuis plusieurs mois contre ses géants nationaux, tandis qu’aux Etats-Unis, des procès historiques se préparent contre la plupart des GAFA [Google, Apple, Facebook et Amazon].

En Europe aussi, l’heure est au tour de vis réglementaire, avec notamment les projets de Digital Services Act (DSA) et de Digital Market Act (DMA) qui visent explicitement, selon la Commission européenne, à « mettre de l’ordre dans le chaos » et à s’assurer que « notre démocratie rattrape la technologie ».

En toute discrétion

Et pourtant… A l’heure où la régulation du numérique semble s’imposer comme une nécessité économique et démocratique, les mêmes Etats négocient en toute discrétion des règles commerciales internationales qui aboutiraient à donner encore plus de pouvoir aux plates-formes !

Lancées en 2019 en marge du Forum de Davos, ces négociations portent officiellement sur le « commerce électronique », mais leur portée réelle va bien au-delà.

Parmi les règles en discussion, on retrouve par exemple des clauses sur la libre circulation des données à travers les frontières, l’interdiction des mesures de localisation des données, ou la protection des codes sources et des algorithmes. Des dispositions qui émanent directement des principaux lobbys du numérique – aujourd’hui les plus gros dépensiers en termes de lobbying politique – et qui visent à verrouiller la capacité actuelle des grandes plates-formes à se développer à l’échelle de la planète avec un minimum de contrôles et de contraintes.

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