Analyse. Le 19 mai 2021 s’est tenue une étonnante audition de la commission parlementaire sur l’Irlande du Nord à la Chambre des communes britannique. Le président de séance, le député conservateur Simon Hoare, a choisi d’entendre ce que la communauté loyaliste (fidèle à Londres), avait à dire du « protocole nord-irlandais », cette partie du traité du Brexit régissant le statut mixte de la province – toujours membre du Royaume-Uni, mais intégrée au marché intérieur européen.
Il a invité David Campbell, président du Loyalist Communities Council (LCC), une organisation controversée créée en 2015 pour représenter les paramilitaires loyalistes. Le LCC a annoncé fin mars suspendre « temporairement » son soutien à l’accord du Vendredi saint de 1998 qui a mis fin à trente ans de guerre civile entre républicains (principalement catholiques et pro-unification de l’île) et loyalistes (majoritairement protestants) partisans de l’appartenance au Royaume-Uni. Un signal très inquiétant.
L’accord de 1998 prévoit que « le statut de l’Irlande du Nord ne peut changer sans notre consentement. Or, à cause du protocole nord-irlandais [qui institue une frontière douanière entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume Uni], ce statut a changé sans notre accord », prétend M. Campbell.
Baisse de la température
Début avril, Belfast, la capitale nord-irlandaise, a été secouée par dix jours d’émeutes, des jeunes – pour la plupart issus des rangs loyalistes – s’en prenant violemment à la police et réclamant la suppression de la nouvelle frontière en mer d’Irlande, qui, selon eux, coupe le lien jugé existentiel avec le reste du Royaume-Uni. Le décès du prince Philip, les appels au calme de Londres, Dublin et des responsables politiques nord-irlandais ont fait baisser la température. Mais il suffirait d’une étincelle pour que les manifestations reprennent, prévient M. Campbell, surtout à l’approche des traditionnelles marches orangistes – moments de célébration de la communauté loyaliste, qui commencent en juin, culminent le 12 juillet et sont souvent l’occasion d’accrochages avec les républicains.
« Il ne s’agit pas de menaces de notre part, mais de mises en garde. Nous faisons face à la situation la plus dangereuse depuis des années », prévient encore M. Campbell, qui reconnaît que « 5 % des loyalistes sont encore impliqués dans des réseaux de criminalité ». Un autre membre du LCC, Joel Keys, 19 ans, est encore plus direct : « Je n’appelle pas à la violence [contre le protocole], je dis juste que je ne l’exclus pas totalement », car « parfois, c’est le seul moyen qui nous reste ». L’ambiance reste très tendue dans les quartiers loyalistes de Belfast, Larne ou Londonderry, où l’on n’avait pas mesuré les conséquences du protocole et où l’on craint que la nouvelle frontière en mer d’Irlande ne favorise une réunification de l’île.
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