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Les proches du dissident biélorusse Roman Protassevitch dénoncent ses aveux : « Les vidéos de ce genre sont tournées sous la pression »

C’est une vidéo d’une heure trente, qui suscite l’indignation. Dans un entretien diffusé jeudi 3 juin au soir par la chaîne publique biélorusse ONT, le dissident Roman Protassevitch, 26 ans, le visage tendu, dit avoir appelé à des manifestations l’année dernière et fait l’éloge du chef de l’Etat, Alexandre Loukachenko. A la fin de cette vidéo, il se met à pleurer et se couvre le visage avec les mains. Des traces rouges sont visibles sur ses poignets, laissant penser à des blessures infligées par des menottes.

« Une honte », a réagi Berlin. Selon le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Seibert, l’entretien traduit « le mépris total » des dirigeants biélorusses « pour la démocratie » et « pour les êtres humains ». Le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a, lui, pourfendu une interview « clairement effectuée sous la contrainte » et a demandé à ce que toutes les personnes impliquées dans le tournage soient tenues responsables.

« Ces mots sont dits après la torture »

La chef de l’opposition, Svetlana Tsikhanovskaïa, a tenu à rappeler que les aveux du jeune homme, arrêté à la suite de l’interception de son avion par le régime de Minsk, avaient été obtenus « sous la pression ». « A l’aide de la violence, vous pouvez faire dire à une personne ce que vous voulez », a souligné de Varsovie (Pologne) celle qui s’était présentée aux élections de 2020 contre M. Loukachenko.

« Toutes les vidéos de ce genre sont tournées sous la pression. Il ne faut même pas prêter attention à ces mots, car ils sont dits après la torture… La tâche des prisonniers politiques est de survivre. »

Quelques heures avant la diffusion de l’entretien, l’ONG de défense des droits humains Viasna avait également dénoncé des propos obtenus « sous la menace ». « Tout ce que dira [Roman] Protassevitch aura été obtenu après des menaces, psychologiques au minimum, et sous la menace d’accusations injustes mais très graves dont il est l’objet », a déclaré, jeudi matin, le directeur de Viasna, Ales Bialiatski. « Quoi qu’il dise maintenant, c’est de la pure propagande, qui n’a aucune part de vérité », a-t-il poursuivi.

Le père du journaliste, Dmitri Protassevitch, a également estimé que ces aveux télévisés étaient le résultat de « violences, de tortures et de menaces ». « Je connais très bien mon fils et j’ai la conviction qu’il ne dirait jamais des choses pareilles », a-t-il affirmé.

Roman Protassevitch a été arrêté le 23 mai avec sa compagne russe de 23 ans, Sofia Sapega, après l’atterrissage non prévu de leur avion de ligne, de la compagnie Ryanair, à Minsk, la capitale de la Biélorussie, alors qu’il était parti d’Athènes et devait atterrir à Vilnius, en Lituanie.

Les autorités biélorusses ont justifié le déroutage de l’avion, qui survolait leur territoire, par une alerte à la bombe. Cette affaire a suscité un tollé international. Dénonçant un subterfuge du régime de M. Loukachenko pour arrêter l’opposant, les capitales occidentales ont adopté des sanctions contre Minsk.

Les compagnies aériennes se désolidarisent d’une mesure de rétorsion européenne

Parmi les mesures de rétorsion prises par les Occidentaux : une mise sous cloche de l’espace aérien biélorusse. L’Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) a d’ailleurs encore durci, mercredi, ses mesures et imposé aux appareils volant sous pavillon européen de ne plus entrer dans l’espace aérien biélorusse, alors qu’elle se contentait jusque-là de le déconseiller.

Mais pour l’Association internationale du transport aérien, qui défend les intérêts de 290 compagnies aériennes (représentant 82 % du trafic mondial), une telle prohibition de l’espace aérien d’un pays tiers revient à « politiser la sécurité aérienne », un « développement rétrograde et décevant ».

En Biélorussie, M. Protassevitch est poursuivi pour « organisation » d’émeutes dans le pays, un crime passible de quinze ans de prison. Au lendemain de l’arrestation de l’opposant, alors que des médias indépendants s’inquiétaient de son état de santé, les autorités biélorusses avaient diffusé une vidéo du journaliste dans laquelle il disait être « passé aux aveux ».

Sa compagne est également apparue dans une vidéo où elle avoue des crimes. Chaque fois, l’opposition a dénoncé des enregistrements obtenus sous la contrainte, une pratique utilisée de longue date par le régime de M. Loukachenko.

Le Monde avec AFP

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