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La carrière à tout prix? Des jeunes Chinois préfèrent « la planche »

Salaire, carrière et société de consommation… Fatigués de se battre, des jeunes Chinois aspirent à « faire la planche », une nouvelle philosophie de la vie qui contraste avec la rude éthique de travail des générations précédentes.

Il n’a que 24 ans mais le jeune Wang est sorti épuisé et dépité de ses quatre mois de recherche d’emploi.

« J’allais sur les sites d’offres d’emploi tous les jours, mais envoyer un CV, c’est comme jeter une bouteille à la mer », observe ce laborantin de formation, qui ne donne que son nom de famille.

Le jeune diplômé a fini par trouver un emploi mais l’expérience lui a laissé un goût amer, surtout quand il a appris que des camarades d’université décrochaient par piston une place dans l’entreprise familiale…

« La planche », à savoir travailler en faisant le strict minimum, sans chercher à faire carrière ni habiter un appartement de standing, lui apparaît désormais comme une réponse aux exigences sociales.

« On est écrasé par la société et on veut juste vivre de façon plus détendue. Faire la planche, ce n’est pas attendre de mourir. Je travaille, mais pas trop », explique-t-il à l’AFP.

L’expression « tang ping » – littéralement « rester allongé » – fait fureur depuis quelques semaines sur les réseaux sociaux, alors que des millions de citadins s’épuisent en recherche d’emploi et en longues journées de travail pour pouvoir payer un loyer exorbitant.

Des usagers dans le métro de Pékin durant l’heure de pointe, le 2 juin 2021 (AFP – NOEL CELIS)

« Certains préfèrent viser moins haut tout en réduisant leurs désirs », commente Mme Lin, chargée de ressources humaines âgée de 24 ans. « Tous les jeunes ne peuvent pas devenir des as de la réussite qui s’achètent des voitures, des appartements, se marient et ont des enfants ».

Mieux vaut se contenter d’objectifs plus faciles à atteindre, tout en prenant le temps de profiter de la vie.

« C’est pas beau de subvenir tout juste à ses besoins et d’être plus détendu? », demande Lucy Lu, une travailleuse indépendante de 47 ans.

– « Retrousser les manches » –

L’excès de travail dans la Chine d’aujourd’hui est l’un des facteurs explicatifs de la chute du taux de natalité, que le régime communiste a espéré relancer cette semaine en autorisant les couples à avoir désormais trois enfants.

Des cyclistes dans une rue de Pékin à l’heure de pointe, le 3 juin 2021 (AFP – NOEL CELIS)

Esclaves d’interminables journées de travail, bien des jeunes parents ne croisent jamais leurs enfants en semaine ou bien les installent carrément à demeure chez les grands-parents.

Dans les entreprises technologiques, à la pointe des ambitions économiques chinoises, il n’est pas rare de devoir travailler six jours par semaine, de 9h du matin à 9h du soir, un « 996 » dénoncé par les médias.

Les jeunes diplômés n’ont pas le choix: leur salaire d’embauche moyen culmine à 800 euros, alors que les loyers dans une ville comme Pékin dépassent en général largement cette somme.

Mais l’idéal de « la planche » cadre mal avec la politique du président Xi Jinping et son slogan qui fleure bon le productivisme socialiste: « retrousser les manches et travailler dur ».

Il contraste aussi avec les efforts que les générations précédentes ont dû accomplir pour sortir de la misère à la sueur de leur front. Il n’y a pas si longtemps, on ne parlait guère en Chine de vacances, ni même de week-end, et le repos était considéré comme un revenu en moins.

Une femme visite une exposition consacrée à Pepe The Frog, symbole de la désillusion de la jeunesse chinoise, dans un centre commercial de Pékin, le 29 mai 2021 (AFP – Jade GAO)

A tel point que des sommités intellectuelles dénoncent les ambitions au rabais des « planchistes ».

« C’est une attitude tout à fait irresponsable, qui non seulement déçoit les parents mais aussi des centaines de millions de contribuables », a tonné dans la presse un professeur de la prestigieuse Université Tsinghua, Li Fengliang.

A la télévision, un présentateur vedette s’est demandé si l’idéal de la jeunesse consistait uniquement « à payer un loyer le plus bas possible, trouver n’importe quel boulot et surtout ne jamais stresser ».

La très officielle agence Chine nouvelle s’en est prise elle aussi dimanche à cette nouvelle tendance en diffusant une vidéo narrant la journée de 12 heures d’un chercheur octogénaire. « Ce savant de 86 ans refuse de faire la planche », commentait l’agence de presse.

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