Cristiana Chamorro, qui apparaît comme la plus sérieuse concurrente du chef de l’Etat nicaraguayen Daniel Ortega pour l’élection présidentielle de novembre, a été assignée à résidence, mercredi soir 3 juin, après avoir été accusée de blanchiment d’argent par le gouvernement.
« Après plus de cinq heures de présence de la police au domicile de ma sœur Cristiana Chamorro, précandidate à la présidentielle, à 5 h 15 [1 h 15 en France], la police antiémeute la place sous “assignation à résidence”, à l’isolement. Sa maison est toujours occupée par la police », a écrit son frère Carlos Fernando Chamorro sur Twitter.
La police avait violemment pénétré dans l’enceinte de la résidence de Mme Chamorro, dans le sud-est de Managua, où elle s’apprêtait à donner une conférence de presse, a déclaré Arelia Barba, son assistante. Des amis et des parents ont tenté de se rendre au domicile mais la forte présence policière les a empêchés d’entrer, repoussant également les journalistes de manière musclée.
Enquête judiciaire pour blanchiment d’argent
La journaliste de 67 ans ambitionne de vaincre Daniel Ortega dans les urnes, comme l’a fait il y a 31 ans sa mère, Violeta Chamorro. Mais l’étoile montante de l’opposition est visée depuis plusieurs semaines par une enquête judiciaire pour blanchiment d’argent qu’elle a dénoncée comme une « farce macabre » montée par le pouvoir pour l’empêcher d’être candidate au scrutin présidentiel du 7 novembre.
« Interdire de manière arbitraire à la dirigeante de l’opposition Cristiana Chamorro [d’être candidate] reflète la crainte d’Ortega d’élections libres et justes », a dénoncé sur Twitter le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, depuis le Costa Rica où il est en visite. « Les Nicaraguayens méritent une vraie démocratie », a-t-il ajouté.
Non-membre d’un parti, la journaliste a annoncé son intention de solliciter l’investiture de l’opposition pour la présidentielle où M. Ortega, au pouvoir depuis 2007, devrait briguer un quatrième mandat consécutif.
La justice nicaraguayenne a annoncé mercredi dans un communiqué de presse qu’un tribunal de Managua avait ordonné « l’intervention [de la police au domicile] et l’arrestation de Cristiana Chamorro, accusée des délits de gestion trompeuse, fausseté idéologique en vue de commettre le délit de blanchiment d’argent, de biens et d’actifs, au détriment de l’Etat du Nicaragua et de la société nicaraguayenne ».
Procédure « illégale »
Mardi soir, le ministère public nicaraguayen avait mis l’opposante en accusation en demandant qu’elle soit interdite de briguer un quelconque mandat, estimant que la précandidate à l’élection présidentielle « ne jouit plus pleinement de ses droits civiques et politiques car elle est impliquée dans une procédure pénale ». Des juristes ont dénoncé une procédure « illégale » en l’absence d’une résolution du Conseil suprême électoral.
Le secrétariat général de l’Organisation des Etats américains (OEA) a dénoncé « cette nouvelle attaque contre la démocratie » qui « rend encore plus impossible la tenue d’élections libres, équitables et transparentes dans le pays » et « délégitime le processus électoral avant même qu’il n’ait lieu ». Selon le communiqué de l’OEA, « le Nicaragua se dirige vers les pires élections possibles ».
Le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh) a estimé que ce mandat d’arrêt était un « outrage fait aux droits de l’homme ». L’eurodéputé espagnol José Ramon Bauza a estimé qu’il s’agissait d’une « attaque très grave contre la démocratie » et a demandé au chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, que l’UE envisage des sanctions immédiates contre le gouvernement Ortega.
Popularité de sa mère Violeta
Cristiana Chamorro a dirigé la Fondation de défense de la liberté de la presse qui porte le nom de sa mère et dans les comptes de laquelle le parquet assure qu’il y a des « incohérences » pour la période 2015-2019. La Fondation, considérée comme un bastion de la liberté d’expression, apportait son soutien aux journalistes et médias indépendants.
Cristiana Chamorro a décidé de suspendre ses activités en février parce qu’elle refusait de se soumettre à une nouvelle loi obligeant toute personne physique ou morale qui reçoit des fonds d’un autre pays à se déclarer « agent étranger » auprès du ministère de l’intérieur.
L’opposante bénéficie de la popularité de sa mère Violeta, à qui elle ressemble de manière surprenante. Elle peut aussi compter sur le soutien de sa puissante famille, membre de l’oligarchie nicaraguayenne et dont le nom est intimement lié à l’histoire politique du pays, et propriétaire d’un groupe de presse.
Cristiana Chamorro est en outre la fille de Pedro Joaquin Chamorro, un héros de la lutte contre la dictature des Somoza. Son assassinat en janvier 1987 avait entraîné le début de l’insurrection contre le régime.
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