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« Le fait colonial est un thème majeur pour l’Europe, sur deux fronts : celui de la géopolitique et celui de l’identité »

Emmanuel Macron et le président sud-africain Cyril Ramaphosa, à Pretoria, le 28 mai 2021. LUDOVIC MARIN / AFP

Le saviez-vous ? Rendant compte en « une », le 21 février 1957, d’un progrès décisif dans la négociation des Six sur un marché commun européen, Le Monde titrait : « Première étape vers l’Eurafrique ». Réunis à Matignon, les chefs de gouvernement des six pays fondateurs n’avaient mis que treize heures – déjà ! – pour lever les derniers obstacles au traité qui devait être signé à Rome. Face aux Allemands et aux Néerlandais qui « traînaient les pieds », nous raconte l’article de Pierre Drouin, la France avait notamment réussi à imposer l’association des territoires d’outre-mer au marché commun. A sa signature le 25 mars 1957, le traité de Rome couvrait une zone territoriale dont 75 % étaient situés hors de l’Europe géographique : essentiellement les colonies françaises et belges d’Afrique.

Plus de six décennies plus tard, un président français qui se targue d’être né après la colonisation confie au Journal du dimanche, entre Kigali et Pretoria, sa fierté d’avoir « réussi à bâtir un axe euro-africain ». Rien à voir, bien sûr, avec la défunte « Eurafrique » dont Léopold Sédar Senghor, qui y voyait un véhicule de développement pour son continent, fut le plus ardent défenseur, alors qu’elle n’était qu’un prolongement de l’empire colonial.

Un thème majeur

Mais « l’axe euro-africain » dont rêve Emmanuel Macron, et qui n’a pour l’instant qu’une timide traduction diplomatique, illustre l’idée d’une communauté de destin entre le Vieux Continent et ce continent si jeune où, M. Macron en est convaincu, « se jouera une partie du basculement du monde ». Pour que cette communauté de destin se forme, cependant, il faut l’établir sur des bases fondamentalement différentes. Le président français s’y est attelé, en s’appuyant notamment sur une diplomatie mémorielle volontariste ; la dimension européenne de cet effort, elle, se fait attendre.

C’est pourtant un thème majeur pour l’Union européenne (UE). Sur deux fronts : celui de la géopolitique et celui de l’identité européenne.

Le discours identitaire, avec la montée du mouvement décolonial aux Etats-Unis, « est en passe de détrôner le discours de la guerre froide centré sur l’affrontement entre démocratie et communisme, nous dit l’essayiste Ivan Krastev. Dans un tel contexte, l’Europe est en position de faiblesse en Afrique face à la Chine : la Chine se présente comme une victime du colonialisme qui défend la souveraineté des Etats postcoloniaux contre les pratiques européennes néocoloniales ». Si elle veut contrer l’influence de la Chine, de la Russie ou de la Turquie en Afrique, l’Europe doit se débarrasser de tous soupçons colonialistes.

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