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ReportageLe malaise social est alimenté par la crise économique et le sentiment d’impasse politique.
Du toit d’un immeuble de Hay Al-Tafayleh à Amman, on aperçoit en contrebas le centre-ville, où les jeunes de ce quartier populaire aiment aller respirer, à défaut d’espace dans leurs ruelles ; et en face, à distance, deux portes qui mènent vers la cour royale.
C’est devant ces grilles enserrant des arbres que des habitants descendent régulièrement manifester, « pour réclamer du travail. Les plus frondeurs sont parfois embauchés, les autres persistent », dit Mohamed Al-Rbehat, habitué à cet exercice. A 28 ans, ce père de famille vit de petits boulots, malgré son diplôme. Adossés aux réservoirs d’eau, d’autres jeunes hommes dressent leur cahier de doléances : chômage, coût de la vie, absence de représentativité politique… Bilal, Asem et Ahmad en sont persuadés : la colère sociale monte, implacable.
L’association Nachayiat distribue des biens de premières nécessités pour les familles les plus démunies, dans le quartier de Hay Al-Tafayleh, à Amman (Jordanie), le 2 mai 2021. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE »
Tant d’autres formulent le même constat à Amman. Il n’est certes pas nouveau : des mouvements de revendications sociopolitiques ont plusieurs fois secoué le royaume depuis dix ans. Mais le contexte a changé. Diverses forces sociales, comme des syndicats, ont été interdites de la scène publique, attisant le ressentiment.
S’ajoutent les restrictions liées au Covid-19, comme le couvre-feu, qui débuta dès 19 heures pendant de longs mois : « Avec cette crise, les gens se sont durement appauvris », soupire Souhair Saoud, qui dirige une association féminine de charité à Hay Al-Tafayleh, prodiguant activités pour enfants et aide alimentaire.
« Mauvais choix politiques »
Enfin, « l’affaire Hamza » – les accusations portées début avril par le roi Abdallah II contre son demi-frère Hamza, d’ourdir un complot avec l’aide d’un pays étranger non identifié – a laissé des traces. Le prince Hamza est une épine dans le pied du roi Abdallah II qui, pour consolider son pouvoir, lui avait retiré son titre de prince héritier au profit de son fils Hussein.
Or Hamza a cultivé des liens avec les puissantes tribus jordaniennes, socle de la monarchie, dont certains chefs ont pris ces derniers mois la tête de manifestations contre la corruption, les conditions socio-économiques actuelles les ayant durement affectés, rendant les autorités fébriles.
Aucun élément étayé n’a été apporté. Une grossière manœuvre, pour ceux qui contestent la version officielle ; l’avant-goût d’une possible déstabilisation, pour ceux qui adhèrent à la thèse du monarque.
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La confusion a aggravé la crise de confiance envers les institutions, déjà affichée lors des législatives de 2020, avec un taux de participation de moins de 30 %. Les réformes ont été aussi souvent promises que non matérialisées. L’opinion fréquemment exprimée est que le royaume a besoin d’un nouveau contrat social.
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