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Complotisme, dénigrement, insultes… Au Québec, les mauvaises ondes des « radios poubelles »

Par Hélène Jouan

Publié aujourd’hui à 00h41

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RécitPlusieurs stations privées, dont les animateurs font dans la surenchère, bousculent la scène médiatique et favorisent l’essor des thèses complotistes. Leur influence s’est renforcée dans le contexte de crise sanitaire.

Cet homme-là est un « repenti ». Non qu’il ait commis un crime de sang ou renoncé à servir un parrain mafieux. Sa faute, à l’entendre, est d’avoir déversé de la haine, pendant des années, sur les ondes. Au cours de la dernière décennie, Stéphane Gendron a été un chroniqueur et animateur adulé de diverses radios québécoises. Au micro, cet ancien politicien, avocat de formation, maire d’une petite ville du Québec, a traité l’ex-premier ministre Jean Charest de « meurtrier », de « menteur » et d’« imbécile », comparé les Israéliens à des « nazis des temps modernes », défendu la peine de mort (« Il faut tuer les assassins »), insulté une magistrate ou encore brûlé une décision de justice en direct à l’antenne.

« J’étais un angry white man [un homme blanc en colère], résume le quinquagénaire à la voix grave. Le trash et l’agressivité ont longtemps été pour moi une addiction. » Ses patrons l’adoraient – « quelle bouffée d’air frais », le complimentaient-ils –, et les auditeurs en redemandaient. « J’usais et abusais du GBS, le “gros bon sens”, comme on dit ici. Ils estimaient que je disais tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. »

Stéphane Gendron n’a pas sévi sur n’importe quelles ondes. Son rond de serviette, il l’a eu sur plusieurs antennes communément baptisées « radios poubelles » au Québec. Des structures commerciales privées, où quelques animateurs starisés enchaînent les heures de direct pour commenter l’actualité de la façon la plus provocatrice possible. Le principe : une bande de forts en gueule invite les auditeurs à s’insurger de tout, le tutoiement est de rigueur, le vocabulaire populaire vire souvent au vulgaire.

Choi-FM, surnommée « Radio X », est aujourd’hui la plus puissante de toutes. Diffusée dans la ville de Québec et ses environs, elle dame même le pion, en termes d’audience, à la station publique Radio Canada sur certains de ses rendez-vous. A l’expression calquée de l’anglais « trash radio », Dominique Payette, chercheuse en sciences de l’information à l’université Laval de Québec et autrice d’un livre consacré à ces médias très particuliers, Les Brutes et la Punaise (Lux, 2019), préfère celle de « radio de confrontation ». « Il ne s’agit pas d’un journalisme d’opinion, mais d’un espace public où les faits importent peu et où se répandent toutes les aigreurs. Des personnalités politiques y sont nommément insultées et des communautés entières prises à partie, sans aucun souci d’impartialité. »

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