Le gouvernement colombien a négocié dimanche 30 mai avec une partie des manifestants qui secouent le pays depuis plus d’un mois, mais sans mettre fin à une crise qui inquiète l’ONU, après avoir fait au moins 13 morts depuis vendredi et entraîné le déploiement de l’armée dans la ville de Cali.
Le gouvernement du président Ivan Duque et quelques des représentants des manifestants ont repris à Bogota leurs discussions après près d’une semaine de pause, mais sans parvenir à masquer leurs profondes différences. Dans le même temps, des milliers de personnes habillées de blanc ont manifesté leur exaspération face aux blocages incessants des routes et à leurs conséquences économiques.
Ces discussions ont eu lieu entre le gouvernement et un comité de grève constitué de syndicats, d’étudiants et de représentants des communautés indigènes qui rejettent sa politique. Bien que ce comité ne représente pas tous les manifestants, son dialogue avec le gouvernement suscite l’espoir d’un règlement de cette crise qui secoue le pays depuis le 28 avril dernier.
Mais l’issue semble encore lointaine. Le comité de grève a dénoncé dimanche le « silence complice » du gouvernement face à l’usage « démesuré » de la force de la part des forces de l’ordre. Le gouvernement a répondu de son côté que la seule chose qu’il attend pour s’asseoir et travailler à un accord c’est la « levée des barrages routiers ».
« Message clair »
« Ce matin [dimanche], des milliers de Colombiens qui en représentent des millions ont envoyé un message clair : plus de violence, plus de barrages routiers, plus de destruction », a souligné le gouvernement dans un communiqué.
Selon les forces de l’ordre, quelque 87 barrages routiers ont été répertoriés dans tout le pays, dont beaucoup se trouvent dans les abords de Cali, troisième ville du pays et épicentre des manifestations, où l’armée a commencé à se déployer.
Dimanche, des manifestants vêtus de blanc sont descendus dans les rues de plusieurs villes du pays pour protester contre les fermetures de routes et les blocages. A Bogota, Medellin et dans d’autres régions les manifestants portaient des banderoles appelant à la « paix » ou « plus de barrages routiers » et scandaient des prières.
« Nous marchons pacifiquement aujourd’hui pour demander la fin de la grève et que nous reprenions le travail (…), toutes les fermetures de routes et les blocages affectent l’économie nationale et génèrent plus de pauvreté », a déclaré à l’Agence France-Presse Bernardo Henao, un avocat et éleveur de bétail de 63 ans.
Cali, épicentre des manifestations
La haute-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a réclamé de son côté dimanche une enquête indépendante après les violentes manifestations à Cali.
L’armée colombienne, obéissant à l’ordre du président Ivan Duque, y a déployé samedi un millier de soldats. Les rues de cette ville de 2,2 millions d’habitants ont été vendredi le théâtre d’affrontements entre des manifestants, des policiers et des civils armés qui ont fait au moins 13 morts dans différents incidents. Au moins huit personnes ont succombé à des tirs d’arme à feu, a indiqué la police. Un enquêteur du parquet de Cali a tiré sur la foule, tuant deux civils, avant d’être lynché par les manifestants, selon le parquet. Le haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a fait état pour sa part de 14 morts depuis vendredi, et 98 autres blessés, dont 54 par armes à feu.
« Il est essentiel que tous ceux qui pourraient être impliqués [dans ces violences] ayant causé des blessures ou la mort, dont des responsables officiels, fassent l’objet d’enquêtes rapides, efficaces, indépendantes, impartiales et transparentes et que des comptes soient demandés aux responsables », a déclaré la haute-commissaire Michelle Bachelet dans un communiqué.
Ces violences interviennent un mois exactement après le soulèvement du 28 avril contre un projet de réforme fiscale, vite abandonné, porté par le président de droite Ivan Duque, qui visait à augmenter la TVA et à élargir la base de l’impôt sur le revenu. En un mois de soulèvement populaire, au moins 59 morts, dont deux policiers, ont été enregistrés dans le pays, selon un décompte officiel. Quelque 2 300 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. Human Rights Watch évoque jusqu’à 63 morts.
Depuis un mois, le scénario est presque toujours le même : le jour, les manifestations sont pacifiques et créatives, la nuit la rébellion se transforme en émeutes où mortiers d’artifice et cocktails Molotov se mélangent aux tirs à balles réelles.
Pendant un demi-siècle, le conflit avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) a occulté une réalité devenue criante : selon la Banque mondiale, la Colombie se classe parmi les pays les plus inégalitaires en termes de revenus. La pandémie a éteint la mobilisation en 2020 et a plongé les plus vulnérables dans l’indigence. La pauvreté s’est accélérée pour atteindre 42,5 % des 50 millions d’habitants.
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