Les salariés britanniques de la société Liberty Steel appartenant à Sanjeev Gupta, l’un des plus grands empires sidérurgiques au monde, sont confrontés à un avenir incertain, après l’annonce cette semaine de la vente de trois usines au Royaume-Uni.
Autrefois considéré comme le sauveur de la sidérurgie britannique, le milliardaire indo-britannique Sanjeev Gupta lutte désormais pour la survie de son empire, après des soupçons de fraude et l’effondrement de son principal prêteur, Greensill Capital.
Selon les avocats de cette société financière, sa disparition pourrait menacer au total 50.000 emplois dans le monde. Liberty emploie 3.000 travailleurs britanniques et sa maison mère, la holding GFG Alliance, 35.000 personnes dans le monde.
Sanjeev Gupta avait insisté sur le fait qu’aucun de ses 12 sites britanniques ne fermerait.
Pourtant, la décision cette semaine de vendre trois usines du nord et du centre de l’Angleterre plonge 1.500 employés dans l’incertitude.
Le milliardaire indo-britannique Sanjeev Gupta, à la tête de GFG (Gupta Family Group), à Londres le 28 janvier 2019 (AFP/Archives – BEN STANSALL)
Liberty doit être un « vendeur responsable » et trouver un acheteur qui « ne se contentera pas de dépouiller les actifs », a réclamé Clive Royston, représentant du syndicat Community sur le site Liberty de Stocksbridge, dans le nord de l’Angleterre.
« Nous sommes inquiets et nous n’avons pas de détails », a-t-il déclaré à l’AFP. « C’est difficile », dit-il, car les ouvriers « posent des questions et je ne peux pas répondre ».
– Crise des liquidités –
La société financière Greensill a contribué à l’expansion de GFG grâce à des prêts à court terme destinés aux entreprises, lui évitant les lourdes restrictions des banques traditionnelles.
Mais l’effondrement brutal en mars de Greensill, qui avait investi 3,5 milliards de livres (4,1 milliards d’euros) dans GFG, a déclenché une crise de liquidités au sein de la maison-mère.
Depuis cette chute, Sanjeev Gupta cherche désespérément de nouveaux fonds pour éviter des fermetures d’usines dans sa branche sidérurgique.
Mais l’affaire s’avère corsée, alors que Liberty n’aurait toujours pas remboursé un prêt de 18 millions de livres à Metro Bank, qui l’accuse d’avoir enfreint des « clauses et restrictions ».
Devant les bureaux de Greensill près de Warrington, dans le nord ouest de l’Angleterre, le 12 avril 2021 (AFP/Archives – Oli SCARFF)
Liberty est toujours en négociation avec la banque Credit Suisse, elle-même exposée à hauteur de 10 milliards d’euros avec Greensill.
Le gouvernement britannique a lui refusé de lui prêter 170 millions de livres, évoquant le caractère « opaque » de GFG.
De par la nature risquée du soutien à une entreprise en difficulté, les investisseurs peuvent faire soit d’énormes profits, soit perdre tous leurs investissements, a rappelé Dirk Jenter, de la London School of Economics.
Pressée par ses créanciers, Liberty « se démène pour trouver de l’argent et essaie de vendre ses actifs les plus liquides », explique l’économiste, « une tentative pour gagner du temps afin de maintenir l’entreprise en vie ».
Mais selon M. Jenter, l’enquête ouverte par l’équivalent du parquet financier contre GFG pour soupçons de fraude et blanchiment d’argent dissuadera les investisseurs potentiels.
« C’est un signal d’alarme. Il faudrait un investisseur extraordinairement courageux pour se fier aux chiffres fournis par Liberty », a-t-il déclaré à l’AFP. « Cela rend presque impossible de prendre le risque d’investir ».
– Nationalisation « peu probable » –
Le Covid-19 avait déjà « paralysé » l’usine de Stocksbridge, qui fournit le secteur aérospatial, durement touché, a rappelé le syndicaliste Clive Royston.
« Il n’y a pas beaucoup d’industrie autour de nous. Stocksbridge a été construit autour de l’usine », plaide-t-il, soulignant la nécessité de protéger ces emplois qui définissent la région.
Le site de Liberty Pressing Solutions, appartenant au groupe Liberty Steel, à Coventry, dans le centre de l’Angleterre, le 25 mai 2021 (AFP/Archives – Paul ELLIS)
De manière générale, tout le secteur britannique de l’acier est confronté à de larges défis, comme la hausse des prix de l’électricité et le taux d’imposition des entreprises, met en perspective l’économiste David Bailey, de l’université de Birmingham.
Un surplus de longue date sur le marché mondial de l’acier et la concurrence chinoise ont également affaibli les aciéristes britanniques.
Mais la crise que traverse Liberty est due à « des problèmes plus structurels », estime le chercheur: « ils étaient bien trop dépendants de Greensill lorsqu’elle a fait faillite et se sont retrouvés trop exposés ».
M. Bailey estime que le gouvernement britannique devrait intervenir par le biais d’une mise sous tutelle à l’américaine, où l’État gère et réforme les entreprises avant de les rendre au secteur privé, afin de prévenir des dommages dans des industries connexes.
Mais le secrétaire d’État aux entreprises britanniques, Kwasi Kwarteng, a récemment déclaré aux députés qu’une nationalisation était « peu probable ».
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