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Algérie : la réouverture partielle des frontières frustre la diaspora

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Un Boeing 737-800 d’Air Algérie. PAUL HANNA / REUTERS

Le téléphone de Brahim Djellouadji n’arrête pas de sonner. A priori, le signe que les affaires reprennent pour le président de l’agence de voyage Méditerranée Events et Travels, à Marseille, alors que les autorités algériennes viennent d’annoncer la réouverture « partielle » des frontières aériennes le 1er juin après les avoir fermées le 17 mars 2020 pour endiguer la propagation du Covid-19.

Pourtant, le voyagiste ne sait pas quoi répondre à ses clients qu’il dit « désemparés ». « J’essaie surtout de les réconforter, admet M. Djellouadji. L’euphorie est vite passée. La diaspora est vraiment déçue, sous le choc. »

Malgré la réouverture, la situation est loin de revenir à la normale. Les autorités, et notamment l’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud, avaient assuré dans un premier temps qu’il y aurait cinq vols par jour au départ de Paris, Lyon et Marseille à destination d’Alger, Oran et Constantine. Puis le gouvernement a indiqué que seulement trois vols par semaine seraient opérés depuis Paris et Marseille.

La déception est d’autant plus grande que les modalités pour entrer sur le territoire algérien sont très contraignantes. Il faudra présenter un test PCR négatif de moins de 36 heures et respecter une quarantaine obligatoire de cinq jours « avec un contrôle médical permanent » dans un hôtel que le passager devra régler avant l’embarquement. Un test doit être, aussi, réalisé à la fin du confinement et, en cas de résultat positif, l’isolement de cinq jours est reconduit.

« Un vrai ras-le-bol »

Tous les passagers – même vaccinés – sont soumis à ces directives. « L’approche est tellement dissuasive qu’elle équivaut à une fermeture. Je ne comprends pas les raisons de ce double tour. Nous sommes impuissants », se désole Brahim Djellouadji.

Depuis mars 2020, le voyagiste a perdu 90 % de son chiffre d’affaires. De même, l’aéroport Marseille-Provence est passé de 744 516 passagers entre la cité phocéenne et l’Algérie en 2019 à « quasiment rien, si ce n’est quelques vols de rapatriements » en 2020, indique-t-on au siège du site.

« La fermeture a éloigné les deux pays, regrette Nazim Sini, délégué régional de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie en France (CACI), basée à Marseille. Depuis le début de l’année, il y a un vrai ras-le-bol de la diaspora. »

Plusieurs millions d’Algériens de l’étranger ont dû composer avec la fermeture des frontières et la suspension des vols commerciaux et des liaisons maritimes qui durent depuis quatorze mois. Les autorités ont organisé, souvent dans le chaos, des vols de rapatriement pour leurs ressortissants, sous conditions (décès, un parent dont le pronostic vital est engagé, un problème judiciaire, etc.).

Des situations dramatiques

Mais ces derniers ont été suspendus le 1er mars en raison de l’apparition du variant anglais, fin février, en Algérie. Pour contourner ces difficultés, certains Algériens – détenteurs d’un passeport français – ont choisi de passer illégalement la frontière de leur pays depuis la Tunisie.

Depuis mars 2020, de nombreux ressortissants sont restés bloqués à l’étranger, notamment en France, au point de connaître parfois des situations dramatiques. Sans famille et sans revenus, certains se sont même retrouvés à la rue. Il reste difficile de savoir combien d’Algériens sont encore coincés en Europe sans pouvoir rejoindre l’autre rive de la Méditerranée tant les autorités communiquent peu sur ce sujet.

Durant ces longs mois, certaines familles n’ont pas pu assister aux obsèques d’un proche faute de pouvoir se rendre au pays. « Beaucoup attendaient de retourner en Algérie pour faire leur deuil, note Badis Khenissa. Il y a une grande détresse psychologique. » Le quadragénaire, candidat aux prochaines élections législatives algériennes du 12 juin pour le nord de la France, redoute une explosion des prix du billet. « Je pense que nous serons amenés à faire des cagnottes pour aider les plus démunis », indique-t-il.

En Algérie aussi, l’attente de pouvoir à nouveau voyager est considérable. Comme chez Kaïs, 28 ans, un habitant de Constantine fiancé à une Française « de souche », précise-t-il. Le jeune homme n’a pas pu bénéficier du visa de court séjour pour la retrouver en région parisienne : la fermeture des frontières algériennes ne permettait pas de garantir son retour dans son pays, lui a notifié le consulat français à Alger.

« Très en retard sur la vaccination »

Voilà plus d’un an qu’il n’a pas vu sa fiancée et que leurs procédures de mariage sont bloquées des deux côtés de la Méditerranée. Et les dernières annonces du gouvernement ne lui font guère entrevoir de solution rapide.

Pour de multiples familles algériennes séparées de leurs proches depuis au moins quinze mois, cette ouverture partielle provoque la frustration. Quant aux professionnels du voyage, ils s’estiment mis à l’écart. « Pour nous il n’y a aucune ouverture à ce jour, car c’est Air Algérie qui vend ses billets et commercialise ses vols », indique Hamza Baba Aïssa, directeur de l’agence de tourisme Gouraya Tours basée à Bejaïa, dans l’est.

Le maintien de la fermeture des frontières maritimes et terrestres empêchera par ailleurs les plus de deux millions d’Algériens qui passent habituellement la saison estivale en Tunisie de se rendre dans le pays voisin.

Selon plusieurs médecins, les mesures annoncées sont certes draconiennes mais légitimes. « Oui, ce n’est pas suffisant, mais c’est une ouverture prudente. L’Algérie a dû son salut au fait que le pays se soit confiné. Et on constate que les chiffres sont stables [entre 200 et 300 cas quotidiens, selon les données officielles, pour près de 3 500 morts depuis le début de la pandémie] bien que les Algériens se comportent différemment en matière de respect des règles sanitaires », fait remarquer le docteur Mohamed Bekkat Berkani. Le président du Conseil national de l’ordre des médecins rappelle que le pays « est très en retard sur la vaccination ». Aucun chiffre n’a d’ailleurs été rendu public.

Toutefois, les mesures prises par le gouvernement ne sont pas figées dans le temps. Leur évolution dépendra de la situation sanitaire en Algérie et dans les pays de provenance, ont expliqué dans la presse algérienne, plusieurs professeurs de médecine impliqués dans la lutte contre l’épidémie.

Ainsi, certains veulent croire que le gouvernement relâchera du lest très rapidement en ouvrant davantage le pays. Pour Nazim Sini, « priver d’Algérie les Algériens de l’étranger un deuxième été de suite n’est pas tenable ».

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