Publié le : 24/05/2021 – 12:15
Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, a dénoncé lundi comme un acte de « piraterie d’État » le détournement la veille par les autorités biélorusses d’un avion de la compagnie Ryanair, forcé d’atterrir à Minsk, et l’arrestation d’un opposant présent à bord. Réunis en sommet à Bruxelles, les dirigeants de l’UE doivent examiner lundi soir de nouvelles sanctions contre le régime autoritaire de Minsk tandis que la Biélorussie assure pour sa part avoir agi dans la légalité après une alerte à la bombe.
Au lendemain de l’interception d’un vol commercial de la compagnie irlandaise Ryanair, forcé d’atterrir à Minsk, et l’arrestation d’un opposant présent à bord, les versions s’affrontent autour de ce détournement d’avion.
Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, a dénoncé, lundi 24 mai, comme un acte de « piraterie d’État » cet atterrissage forcé. « C’était effectivement de la piraterie aérienne, sanctionnée par l’État », a déclaré le chef de la diplomatie sur la radio-télévision publique irlandaise RTE. « Nous ne pouvons permettre à cet incident de se produire avec des avertissements ou de forts communiqués de presse » comme réponse, a-t-il ajouté, appelant à des « sanctions ».
Roman Protassevitch, 26 ans, ancien rédacteur en chef de l’influent média d’opposition biélorusse Nexta, a été interpellé dimanche après-midi à l’aéroport de Minsk à la suite de l’atterrissage d’urgence de l’appareil de Ryanair, à la suite d’une fausse alerte à la bombe.
Des agents du KGB à bord ?
Des agents des services de sécurité biélorusses (KGB) sont soupçonnés de s’être trouvés dans l’avion de Ryanair, a par ailleurs affirmé le patron de la compagnie aérienne irlandaise, Michael O’Leary, dénonçant lui aussi un acte de « piraterie » soutenu par le Bélarus. « Il apparaît que l’intention des autorités était de faire sortir un journaliste et la personne qui voyageait avec lui », a-t-il expliqué sur la radio irlandaise Newstalk. « Nous pensons que des agents du KGB ont été débarqués à l’aéroport également », a-t-il ajouté, évoquant un incident « très effrayant » pour les passagers et l’équipage. « Je pense que c’est la première fois que cela arrive à une compagnie aérienne européenne. »
De son côté, la Biélorussie a affirmé, lundi, avoir agi dans la légalité. « Il n’y a aucun doute que les actions de nos organes compétents étaient en conformité avec les règles internationales », a indiqué le ministère biélorusse des Affaires étrangères sur son site, rejetant les « accusations sans fondement » de pays européens, accusés de politiser l’incident. « C’est du point de vue de la sécurité (…) qu’il faut regarder cet incident », a-t-il indiqué, en référence à l’alerte à la bombe qui a conduit à l’atterrissage à Minsk du vol Ryanair reliant la Grèce à la Lituanie, deux pays de l’UE.
La diplomatie russe a pour sa part jugé lundi « choquantes » les accusations occidentales à l’égard de la Biélorussie. « C’est choquant que l’Occident considère que l’incident dans l’espace aérien de la Biélorussie soit ‘choquant’ », a ironisé sur Facebook la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, relevant que les États occidentaux se sont par le passé rendus coupables « d’enlèvements, d’atterrissages forcés et d’arrestations illégales ».
« Une mesure inadmissible »
L’UE s’est elle indignée par la voix de son haut représentant. Le détournement d’un avion détenu par une entreprise de l’Union européenne volant entre deux capitales du bloc européen est une « mesure inadmissible », a dénoncé lundi Josep Borrell dans un communiqué, ajoutant que cette mesure serait abordée lors du sommet européen. « L’UE examinera les conséquences de cette action, notamment en prenant des mesures contre les responsables », a-t-il précisé.
Réunis en sommet à Bruxelles, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE doivent examiner lundi soir de nouvelles sanctions contre le régime autoritaire de Minsk en réaction à ce détournement. Une centaine de responsables biélorusses, dont le président Alexandre Loukachenko, sont déjà sous sanctions européennes en raison des atteintes aux droits humains dans cette ex-République soviétique.
Dimanche, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait déjà indiqué sur Twitter que « le comportement scandaleux et illégal du gouvernement en Biélorussie aura des conséquences ».
« Il faut des actes, pas des mots »
Dimanche en début de soirée, l’appareil de Ryanair, qui reliait la Grèce à la Lituanie, un pays balte membre de l’Union européenne, avait pu reprendre son vol, sans Roman Protassevitch.
La Lituanie et la Lettonie ont appelé les opérateurs de vols internationaux à ne plus passer par l’espace aérien biélorusse.
La cheffe de file de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa a demandé sur RTE l’ouverture « immédiate » d’une « enquête internationale ». Selon elle, « l’escalade de la violence en Biélorussie est le résultat de l’impunité, nous devons donc mettre beaucoup de pression sur le régime ».
« Il faut des actes, pas des mots. Les simples paroles de condamnation ne suffisent pas », a insisté Franak Viacorka, journaliste et ami de Roman Protassevitch, sur la BBC. Il a confié que ce dernier lui avait fait part d’inquiétudes avant son départ à l’aéroport d’Athènes, où il s’était dit suivi.
« Je ne peux imaginer ce qui est en train de lui arriver en ce moment », a-t-il ajouté. « Sa petite amie a été arrêtée avec lui. Elle est citoyenne russe (…) Ils vont se venger, les punir tous les deux. »
Avec AFP et Reuters
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