Editorial du « Monde ». Même si aucune photographie envoyée de Mars ne l’a encore confirmé, l’agence spatiale chinoise a annoncé que son petit robot mobile Zhurong avait réussi son atterrissage sur la Planète rouge samedi 15 mai. La prouesse technique s’avère notable, car la manœuvre d’entrée et de freinage dans l’atmosphère martienne est une épreuve redoutable que, jusqu’ici, seuls les Américains maîtrisaient. Le président chinois Xi Jinping n’a pas manqué de le souligner, avec un brin de gloriole dans les félicitations qu’il a adressées aux responsables de la mission, affirmant que celle-ci allait laisser « l’empreinte des Chinois sur Mars pour la première fois », ajoutant : « La patrie et le peuple se souviendront toujours de vos exploits exceptionnels ! »
Ce succès s’ajoute à plusieurs autres – l’atterrissage d’un rover sur la face cachée de la Lune en 2019, le retour d’échantillons lunaires en 2020, la mise en orbite du premier élément d’une station spatiale en avril, qui relancera les vols habités chinois – et montre à quel point Pékin s’investit dans l’espace.
Un budget annuel estimé à 10 milliards de dollars (8,2 milliards d’euros), de nombreux satellites d’observation de la Terre, une panoplie complète de fusées, un programme d’exploration du pôle Sud lunaire, un système de positionnement par satellites concurrent du GPS américain, du Galileo européen et du Glonass russe : la Chine s’est imposée comme le numéro deux mondial du spatial.
Retard technologique
De là à penser qu’elle est en concurrence directe avec le numéro un – les Etats-Unis –, il n’y a qu’un pas que d’aucuns ont franchi. Pourtant, les faits obligent à plus de prudence : pour le moment encore, les deux nations ne boxent pas dans la même catégorie. Sur le simple plan budgétaire, la NASA a une dotation annuelle de 23 milliards de dollars et elle n’est pas la seule actrice du spatial américain. Et il faut considérer les réussites chinoises, certes remarquables, pour ce qu’elles sont réellement : des jalons dans le rattrapage du retard technologique.
Le premier astronaute américain a volé en 1961, le premier Chinois en 2003 ; les Etats-Unis ont rapporté plus de 380 kilos d’échantillons lunaires entre 1969 et 1972, tandis que la Chine n’en a récupéré que 2 kilos un demi-siècle plus tard ; la NASA s’est posée pour la première fois sur Mars en 1976 avec les deux atterrisseurs Viking, et son premier rover, Sojourner, remonte déjà à 1997 ; la Station spatiale internationale, dont les Etats-Unis sont un acteur majeur avec les Russes, les Canadiens, les Européens et les Japonais, tourne autour de la Terre depuis 1998 et elle est immense à côté du projet chinois ; les sondes scientifiques américaines ont sillonné le Système solaire et certaines en sont même sorties… A ce panorama déjà long de l’écart entre les deux pays il faut bien sûr ajouter les douze Américains qui ont marché sur la Lune au cours du programme Apollo.
Même si l’affiche est alléchante, car elle reproduit dans le ciel le combat géostratégique que l’on connaît sur Terre, le match spatial entre les Etats-Unis et la Chine reste donc en grande partie une fausse compétition. Cependant, les deux superpuissances ont intérêt à ce qu’on les considère comme des concurrents directs. Washington s’en sert notamment pour justifier un dispendieux programme lunaire habité : Donald Trump, qui l’a ordonné, ne pouvait accepter que les premiers à retourner sur notre satellite soient chinois. Pékin, de son côté, est ravi d’être perçu comme un véritable concurrent : en boxe, le faire-valoir prend autant la lumière que le champion.
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